jeudi 7 novembre 2013

DESHUMANISATION: QUAND L'HOMME FINIT EN CAGE......

Expositions

 


Les expositions coloniales, universelles ou internationales représentent l’une des nombreuses formes du phénomène de «Zoos humains». 

Pour l’Occident, ce sont des évènements importants où chaque nation européenne s'enorgueillit de ses avancées technologiques. 

Les puissances impérialistes exhibent les "indigènes" de leurs colonies respectives comme des hommes dits "primitifs" ou sauvages en voie de domestication autour de gigantesques palais construits spécialement pour l'évènement. 

L'exhibition des peuples colonisés permet à l'Europe de se glorifier de sa dite suprématie sur le reste du monde. Ces exhibitions d'êtres humains dans ses expositions répondent au besoin perpétuel de l'Occident de déshumaniser les peuples vaincus. 

L'Europe pense dominer la matière, la nature et par extension toutes les populations non européens de la planète. Devant toutes leurs machines, les masses européennes ont le sentiment que l'Occident est bien à la base de la civilisation. 

De nombreux individus sont exposés dans des pavillons coloniaux et des "villages indigènes ". Les villages sont construits sans aucun souci de vérité, ils répondent juste aux attentes et à l'imaginaire occidental. Les exhibés font partie intégrante de l'exposition. Présentés avec les ressources issues de leurs propres pays, ils animent le décor pour les occidentaux.

• Lors de l’exposition universelle de 1851 appelée The Great Exhibition, l’Angleterre exhibe à plus de 6 millions de visiteurs des pénitents hindous et des Thugs (des indiens) au Crystal Palace.

• À Paris, pendant l’exposition universelle de 1878, on exhibe quatre cents êtres humains déportés des colonies françaises et anglaises devant 1 602 000 visiteurs. À partir de 1878, les villages indigènes sont présents dans toutes les expositions et deviennent un élément habituel de la distraction des citoyens occidentaux.

• Lors de l’Internationale Koloniale en 1883 Uitvoerhandel Tentoonstelling à Amsterdam, les peuples colonisés par la Hollande sont exhibés. Des Galibis (peuple amérindien) sont déportés pour l'occasion.

• L’exposition indienne et coloniale de 1886 à Londres près du musée de South Kengsington montre des Indiens placés dans les parcs londoniens devant plus de 5 500 000 visiteurs.

 


• Lors de l’exposition universelle de 1889 à Paris, pendant six mois, ce sont plusieurs centaines d'Africains qui sont exhibés. Le village nègre représente l’attraction principale pour les 28 millions de visiteurs. 

Ces êtres humains sont perçus comme des objets authentiquement sauvages : « dans les arrières-rues des villages, derrière le sublime raffinement des pagodes et des palais (...) les ingénieux Français ont installé des colonies sauvages qu'ils tentent de civiliser. Il s'agit de pièces authentiques qui, soyez en certain, vivent, travaillent et s'amusent exactement comme elles le font avec leur famille dans leur propre pays. »[1]. 

Sur l'esplanade des Invalides près de quatre cents exhibés sont rassemblés dont Dinah Salifou, roi des Nalou-Baga de Basse-Guinée. La présence d'un roi africain dans cette sordide exhibition renforce l'humiliation des peuples vaincus. 

En marge de l'exposition, dix huit Angolais sont exhibés rue Laffite à Paris par Aimé Gravier, ils sont considérés comme des bêtes : « On donne principalement aux Angolais du riz et un peu de viande : c’est le mets qu’ils préfèrent. »[2]. Au 62 quai de Billy (aujourd'hui le quai Branly), ce sont dix huit Accréens (Africains de la région d'Accra actuel Ghana) qui sont exhibés par l'hollandais Goddefroi. 

Le gouvernement français du président Carnot assure lui-même le recrutement des exhibés provenant des colonies. Des pavillons sont déployés sur toute l’esplanade du Champ de Mars au pied de la tour Eiffel pour montrer des hommes provenant du Sénégal, d’Indochine, du Gabon, de Tahiti. 

Ces «pièces authentiques » sont consignés dans des villages ou pavillons coloniaux. Des Selk'man (amérindiens provenant de l'Ile de la Terre de Feu) sont exhibés par Maurice Maître dans une cage, considérés comme des cannibales, on les alimente à certaines heures en leur lançant des morceaux de viande de cheval crue plus tard ils sont emmenés à Londres au Westminster Aquarium. 

Cette exposition prend une dimension cruellement ironique quand on pense que l'exposition universelle de 1889 est censée symboliser les cent ans de liberté, d'égalité et de fraternité républicaines. La tour Eiffel fut réalisée spécialement pour cette évènement.

• En 1891, soixante quatre Africains originaires d'Érythrée sont exhibés lors de l'exposition nationale de Palerme en Italie.

 


• Pendant l’exposition de Chicago de 1893, la World’s Columbian Exposition aussi appelé The Chicago World’s fair, l’Amérique célèbre le 400ième anniversaire de sa découverte hasardeuse par Christophe Colomb. Soixante-set Dahoméens sont exhibés en plein air dans la partie consacrée aux animaux anthropologiques entre l’enclos des autruches et l’exposition d’Hagenbeck. L'impressario des Dahoméens Xavier Pene est un entrepreneur colonial français. La présence du village du Dahomey contraste avec le fête foraine et les grands pavillons blancs, il est entouré d’une haute palissade qui cloisonne les exhibés dans une espace restreint. Il en est de même pour les indiens d’Amérique, les chefs Sioux, vaincus trois ans auparavant sont aussi exhibés sur le champ de foire. Plus de 27 500 000 visiteurs assistent à ces déshumanisations.

• En 1893 un autre groupe de cent cinquante «Amazones» du Dahomey est exhibé à Paris au champ de Mars durant quatre mois, plus de 2,7 millions de européens sont présents. La même année les Amazones sont exhibés en même temps que des éléphants dans l’enceinte du Crystal Palace à Londres pour divertir le public. Au champ de Mars, on exhibe aussi des Soudanais et des Sénégalais en 1895: « M. le secrétaire général adjoint annonce que les membres de la Société sont invités par M. Barbier, directeur de l’exposition soudanaise du Champ de Mars, à visiter officiellement cette exposition où sont exhibés 350 nègres » [3]. Ensuite des Malgaches sont exhibés en 1896.

• En 1894 à l'exposition internationale de Californie, c'est une polynésienne originaire de Samoa qu'on exhibe les seins nus près d'une grande machine à produire de l'électricité. La même année, pendant l'exposition international et coloniale de Lyon, Louis et Joannès Barbier exhibent cent soixante Africains.

• À la Berliner Gewerbe-Ausstellung de 1896 qui deviendra par la suite le Deutsches Kolonial museum, près d'une centaine d'Africains colonisés par l'Allemagne sont exposés. Ils proviennent du Cameroun, du Togo, de l'Afrique Orientale.

• À l'exposition de Philadephie en 1896, les Fidjiens sont exhibés au titre de cannibales.

• À Genève en 1896, on exhibe des Africains à l'exposition nationale dans le parc d'attractions.

• En 1897, après avoir été exhibés en France, cent cinquante Achantis ont exhibés en Espagne à l'université de Barcelone de juillet à novembre. Ensuite ils sont exhibés par un chef d'entreprise espagnole à Madrid puis à Valence.

• À Tervuren en 1897, deux cent soixante Congolais dont quatre-vingt-dix soldats, trente-quatre épouses et enfants, cent vingt-trois villageois du Bas-Congo et de l'Equateur, deux naims du Haut-Aruwimi sont exposés au public belge: « Parqués comme des animaux dans les concours, chair à badauds blancs dont la curiosité n'est elle-même pas dépourvue d'une certaine férocité... Dégradant pour l'humanité...ces malheureux ainsi parqués, livrés aux réflexions des Blancs qui accourent au nouveau spectacle » [4]. Ils sont incarcérés dans des villages reconstituées où des écriteaux signalent : « Défense de donner à mange aux Noirs, ils sont nourris. ».

 


• Lors de la Mostra d'Arte Sacra e delle Missioni Cattoliche (exposition d'art sacré et des missions catholiques) en 1898 à Turin, plus de vingt Africains (originaires d'Erythrée et d'Abysinnie), sept Amérindiens (provenant du Brésil et de Bolivie), une dizaine d'Indiens, quelques chinois sont exhibés. Dans la majeure partie des cas ce sont des enfants parfois très jeunes qui sont envoyés par des missionnaires. L'Église catholique participe activement elle aussi à la déshumanisation des hommes non européens.

• Lors de la Greater Britain Exhibition de 1899, cent soixante quatorze africains de différentes régions du contient (Zoulous, Basutos, Matabele, Swazis...) sont exhibés avec des animaux. Les «Boschimans» sont exposés en compagnie des babouins. En 1899, les Amazones sont présentées comme des « wilde weiber », (des femmes sauvages) au Moskauer Panoptikum de Francfort.

• En 1900, lors de l’exposition universelle de Paris les Achantis sont exhibés devant près 50 millions de visiteurs. Ensuite ils sont montrés à travers toute la hollande : Amsterdam, Rotterdam, Haye, Utrecht, Nijmegen dans des expositions ethnographiques les Groote Achantees Karaven (les grandes caravanes Ashanti).

• En 1901, lors de l'exposition de Buffalo, on exhibe entre soixante-dix et quatre-vingt dix huit Africains dans un enclos baptisé « Darkest Africa » (Afrique la plus sombre). Ils sont placés non loin d'une concession où l'on présente un chimpanzé savant présenté comme le chaînon manquant.

• Lors de l'exposition nationale coloniale de Marseille en 1906, ce sont des Africains qui sont exhibés dans les 50 pavillons coloniaux. Le général Dodds, vainqueur de Béhanzin assiste à la déshumanisation des vaincus avec le ministre des Colonies Milliès-Lacroix.

• Exposition coloniale de 1907 au jardin du Bois de Vincennes. En six mois, l'exposition accueille près de 2 millions de visiteurs. Le pavillon du Maroc présente les caractéristiques de la religion musulmane. Aménagée en lien de prière, ce bâtiment deviendra la première mosquée de Paris et de France. Pendant la première guerre mondiale, il sert à recevoir les soldat maghrébins convalescent après une blessure au front.

• Lors de la Scottish National Exhibition à Edimbourg en 1908 et la Franco-Bristish Exhibition des Sénégalais sont exhibés.

• Exposition coloniale internationale de Lyon en 1914.

• Exposition nationale de Marseille en 1922, plus de 3 millions de visiteurs.

• À l'exposition coloniale de Strasbourg en 1924, soixante quatorze Africains sont exhibés par Fleurie-Tournier.



• En 1925 à l'exposition coloniale de Lausanne, soixante quatorze Africains sont exhibés. Il s'agit des même personnes exhibés l'année précédente à l'exposition coloniale de Strasbourg qui ont été vendu par Fleurie Tournier à un rentier Charles Bretagne. Plus tard ils sont présentés à Zurich sous le titre de Negerdorf Altstetten (village nègre).

• À l’exposition coloniale internationale de 1931 à Paris, mille cinq cents Africains sont exposés, plus de 33 millions de visiteurs viennent les observer. Avant ils symbolisaient les trophées de la colonisation maintenant ce sont les trophées de la civilisation. Ce sont les gardiens de l'Empire, les soldats de la mère-patrie, garant de la "Plus grande France" qui combattent désormais pour la bonne cause.



• À l'exposition impériale britannique de Johannesburg en 1936, soixante-dix Khoisans amenés du désert du Kalahari sont exhibés, enfermés dans un enclos de tôles ondulés.

• En 1940, ce sont les Angolais et Mozambicains qui sont parqués au jardin tropical pour l'exposition de Lisbonne.

• Durant l'exposition universelle de Bruxelles de 1958, ce sont une centaine de Congolais qui sont de nouveau exhibés.
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© Déshumanisation.com

[1] Pallmall Gazette, 1889.

[2] Achille Darnis, Les Acréens à Paris, Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, Paris, Masson, 1889.

[3] Extrait du bulletin de la Société d'anthropologie de Paris, Paris, Masson, 1895, p479.

[4] Nervien, Le National, 7 juillet 1897.
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