05/11/2013
Sultani Makenga, le chef militaire du M23. © AFP
Face à la pression militaire de l'armée congolaise, elle-même appuyée par la brigade d'intervention onusienne, Sultani Makenga, le chef militaire du Mouvement du 23-Mars (M23), a décidé de se battre jusqu'à la fin. Une stratégie qui n'a pas laissé de place à un compromis politique sur la table des négociations à Kampala.
Décidément, il aura choisi jusqu’au bout la voie des armes. Acculé, retranché avec quelque 300 de ses hommes sur les collines de Rutshuru, Sultani Makenga, le chef militaire du Mouvement du 23-Mars (M23), a refusé toute reddition. Il faut dire que sa marge de manœuvre s’est considérablement réduite en quelques jours.
"Il n’avait plus d’autre choix que celui d’être tué ou de se rendre. Il a préféré se battre", commente un observateur attentif de l’évolution de la crise récurrente dans l’est de la RDC.
Depuis la contre-offensive des Forces armées de la RDC (FARDC), appuyées par la brigade d’intervention des Nations unies, fin octobre, la rébellion est sur la défensive.
Elle a perdu tous les territoires qu’elle contrôlait dans le Nord-Kivu. Dépourvu de son quartier général - Bunagana, le poste frontalier avec l’Ouganda, a été repris par l’armée -, l’essentiel de la direction politique du M23 a plié bagages pour rejoindre le reste de la délégation rebelle à Kampala.
Officiellement, "Bertrand Bisimwa, le président, et les autres dirigeants politiques du mouvement se retrouvent dans la capitale ougandaise pour apporter un appui technique aux délégués qui discutent avec le gouvernement congolais", soutient Jean-Paul Epenge, un des porte-parole du M23.
"Acte de reddition" ?
À Kinshasa en revanche, fort du succès militaire des FARDC, on ne parle même plus d’un "accord" que les deux parties pourraient signer dans les heures ou jours qui viennent. Le gouvernement attend désormais un "acte de reddition" des mutins. Il n’est plus question de parapher sur un même document.
"Le M23 devait d’abord renoncer à la rébellion, explique François Mwamba, coordonnateur du Mécanisme national de suivi de l’accord-cadre d’Addis-Abeba. Par la suite, le gouvernement prendrait acte. Ce n’est qu’après qu’il y [aurait eu] cessation des hostilités, suivi du processus de cantonnement des éléments rebelles.
Un message repris également par Martin Kobler dans un communiqué. "Il est important que le M23 respecte ce qui a été convenu, et déclare la fin de la rébellion", souligne le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en RDC, rappelant sur son compte twitter les étapes d'un accord convenu entre les parties à Kampala : "Le cessez-le-feu, première étape, qui devait être suivi par l'annonce de la fin de la rébellion."
Mais sur la colline de Tshanzu, on a fait la sourde oreille, la solution basée sur une reddition ne faisant pas les affaires de Sultani Makenga, bientôt âgé de 40 ans. Et depuis le 13 octobre 2012, son nom est inscrit sur la liste noire du Conseil de sécurité de l'ONU notamment pour sa "responsabilité" dans les violations du droit international par le M23.
Se rendre ouvrirait donc la voie à des poursuites judiciaires. Le chef rebelle décide alors, le 4 novembre, d’en découdre.
"Comment faire autrement lorsque les autres, en face, n’arrêtent pas de vous tirer dessus", tente de justifier un de ses lieutenants. Conséquence : des obus tombent sur le marché de Bunagana et font au moins "six morts et dix blessés", selon le bilan provisoire officiel.
"Bertrand Bisimwa a toujours joué le jeu"
Dans la foulée, l’armée, soutenue par la brigade onusienne, contre-attaque et reprend le contrôle de Mbuzi, une des trois collines de Rutshuru où étaient retranchés Sultani Makenga et ses fidèles.
Dans la nuit, l'assaut final est lancé. Des chars et des hélicoptères de la Monusco entrent en action pour pilonner Tshanzu et Runyunyi, les derniers bastions rebelles.
Au petit matin, le M23 est vaincu. "Techniquement, les combattants du M23 ne pouvaient pas tenir longtemps là où ils étaient confinés. Avec le temps, il leur aurait même difficile de pouvoir se ravitailler en nourriture", confie une source de la Monusco.
Mais "espérant sans doute une intervention plus poussée de Kigali – qui ne venait toujours pas -, Sultani Makenga a continué à utiliser, à travers ses délégués, les pourparlers de Kampala pour tenter de gagner du temps", soutient un expert du Conseil de sécurité de l'ONU qui suit de près la situation dans la région des Grands Lacs.
Jusqu'ici, en "bon petit soldat de service, Bertrand Bisimwa [chef politique du M23] a toujours joué le jeu, renchérit notre expert. Pour combien de temps encore ? Car il cherchera désormais un moyen de se dédouaner des accusations qui pourraient peser contre lui en tant que responsable politique de la rébellion".
Le cas de Ignace Murwanashyaka, chef politique des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), aujourd'hui poursuivi en Allemagne, pourrait lui servir de mise en garde.
Ainsi, après la confirmation de la défaite sur le terrain, Bisimwa a pris les devants, le 5 novembre, pour annoncer la "fin de la rébellion" et demander au chef militaire du M23 de "préparer les hommes de troupes au processus de désarmement, démobilisation et réinsertion sociale".
Comme l'exigeait Kinshasa. Sultani Makenga, qui se serait réfugié au Rwanda, appréciera…
___________
Trésor Kibangula
Jeune Afrique
Sultani Makenga, le chef militaire du M23. © AFP
Face à la pression militaire de l'armée congolaise, elle-même appuyée par la brigade d'intervention onusienne, Sultani Makenga, le chef militaire du Mouvement du 23-Mars (M23), a décidé de se battre jusqu'à la fin. Une stratégie qui n'a pas laissé de place à un compromis politique sur la table des négociations à Kampala.
Décidément, il aura choisi jusqu’au bout la voie des armes. Acculé, retranché avec quelque 300 de ses hommes sur les collines de Rutshuru, Sultani Makenga, le chef militaire du Mouvement du 23-Mars (M23), a refusé toute reddition. Il faut dire que sa marge de manœuvre s’est considérablement réduite en quelques jours.
"Il n’avait plus d’autre choix que celui d’être tué ou de se rendre. Il a préféré se battre", commente un observateur attentif de l’évolution de la crise récurrente dans l’est de la RDC.
Depuis la contre-offensive des Forces armées de la RDC (FARDC), appuyées par la brigade d’intervention des Nations unies, fin octobre, la rébellion est sur la défensive.
Elle a perdu tous les territoires qu’elle contrôlait dans le Nord-Kivu. Dépourvu de son quartier général - Bunagana, le poste frontalier avec l’Ouganda, a été repris par l’armée -, l’essentiel de la direction politique du M23 a plié bagages pour rejoindre le reste de la délégation rebelle à Kampala.
Officiellement, "Bertrand Bisimwa, le président, et les autres dirigeants politiques du mouvement se retrouvent dans la capitale ougandaise pour apporter un appui technique aux délégués qui discutent avec le gouvernement congolais", soutient Jean-Paul Epenge, un des porte-parole du M23.
"Acte de reddition" ?
À Kinshasa en revanche, fort du succès militaire des FARDC, on ne parle même plus d’un "accord" que les deux parties pourraient signer dans les heures ou jours qui viennent. Le gouvernement attend désormais un "acte de reddition" des mutins. Il n’est plus question de parapher sur un même document.
"Le M23 devait d’abord renoncer à la rébellion, explique François Mwamba, coordonnateur du Mécanisme national de suivi de l’accord-cadre d’Addis-Abeba. Par la suite, le gouvernement prendrait acte. Ce n’est qu’après qu’il y [aurait eu] cessation des hostilités, suivi du processus de cantonnement des éléments rebelles.
Un message repris également par Martin Kobler dans un communiqué. "Il est important que le M23 respecte ce qui a été convenu, et déclare la fin de la rébellion", souligne le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en RDC, rappelant sur son compte twitter les étapes d'un accord convenu entre les parties à Kampala : "Le cessez-le-feu, première étape, qui devait être suivi par l'annonce de la fin de la rébellion."
Mais sur la colline de Tshanzu, on a fait la sourde oreille, la solution basée sur une reddition ne faisant pas les affaires de Sultani Makenga, bientôt âgé de 40 ans. Et depuis le 13 octobre 2012, son nom est inscrit sur la liste noire du Conseil de sécurité de l'ONU notamment pour sa "responsabilité" dans les violations du droit international par le M23.
Se rendre ouvrirait donc la voie à des poursuites judiciaires. Le chef rebelle décide alors, le 4 novembre, d’en découdre.
"Comment faire autrement lorsque les autres, en face, n’arrêtent pas de vous tirer dessus", tente de justifier un de ses lieutenants. Conséquence : des obus tombent sur le marché de Bunagana et font au moins "six morts et dix blessés", selon le bilan provisoire officiel.
"Bertrand Bisimwa a toujours joué le jeu"
Dans la foulée, l’armée, soutenue par la brigade onusienne, contre-attaque et reprend le contrôle de Mbuzi, une des trois collines de Rutshuru où étaient retranchés Sultani Makenga et ses fidèles.
Dans la nuit, l'assaut final est lancé. Des chars et des hélicoptères de la Monusco entrent en action pour pilonner Tshanzu et Runyunyi, les derniers bastions rebelles.
Au petit matin, le M23 est vaincu. "Techniquement, les combattants du M23 ne pouvaient pas tenir longtemps là où ils étaient confinés. Avec le temps, il leur aurait même difficile de pouvoir se ravitailler en nourriture", confie une source de la Monusco.
Mais "espérant sans doute une intervention plus poussée de Kigali – qui ne venait toujours pas -, Sultani Makenga a continué à utiliser, à travers ses délégués, les pourparlers de Kampala pour tenter de gagner du temps", soutient un expert du Conseil de sécurité de l'ONU qui suit de près la situation dans la région des Grands Lacs.
Jusqu'ici, en "bon petit soldat de service, Bertrand Bisimwa [chef politique du M23] a toujours joué le jeu, renchérit notre expert. Pour combien de temps encore ? Car il cherchera désormais un moyen de se dédouaner des accusations qui pourraient peser contre lui en tant que responsable politique de la rébellion".
Le cas de Ignace Murwanashyaka, chef politique des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), aujourd'hui poursuivi en Allemagne, pourrait lui servir de mise en garde.
Ainsi, après la confirmation de la défaite sur le terrain, Bisimwa a pris les devants, le 5 novembre, pour annoncer la "fin de la rébellion" et demander au chef militaire du M23 de "préparer les hommes de troupes au processus de désarmement, démobilisation et réinsertion sociale".
Comme l'exigeait Kinshasa. Sultani Makenga, qui se serait réfugié au Rwanda, appréciera…
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Trésor Kibangula
Jeune Afrique
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