vendredi 7 février 2014
Au moment où le monde s’apprête à célébrer les 20 ans des massacres et du génocide au Rwanda, et que des suspects des crimes graves (génocidaires rwandais, cadres nazis) continuent d’être recherchés et traduits en justice, les autorités de Kinshasa ont fait le choix d’adopter une loi d’amnistie qui devrait se traduire par la totale impunité au profit des combattants du M23, responsables de massacres et de viols dans l’Est de la république Démocratique du Congo.
En effet, à l’exception d’un petit groupe d’une centaine d’individus, les 1600 membres du M23, signalés en Ouganda, et des centaines d’autres ayant fui au Rwanda, selon les autorités des deux pays, devraient revenir sereinement au Congo et « parader » au milieu des populations qu’ils ont martyrisées 19 mois durant.
L’adoption de la loi par les autorités de Kinshasa était toutefois assez prévisible. Elles se conformaient aux « ordres » du Président Kabila qui, à son tour, se conformait aux injonctions du Président ougandais Yoweri Museveni, à la fois médiateur international et parrain du M23.
Les autorités de Kinshasa auront ainsi simplement traduit dans les textes les injonctions du président ougandais par Kabila interposé. Rien d’étonnant dans ce vote compte tenu de l’influence que les Présidents Museveni et Kagamé exercent sur Joseph Kabila.
Le refus des parlementaires congolais aurait été vécu comme un insupportable affront à Kampala et à Kigali. Mais ce qui pose véritablement problème, c’est l’enthousiasme avec lequel cette loi (d’impunité) a été approuvée par la communauté internationale.
Le blanc-seing des grandes démocraties
Ainsi, dès le lendemain de l’adoption du projet de loi par l’assemblée nationale, les envoyés spéciaux de la communauté internationale se sont empressés de publier un communiqué conjoint dans lequel ils saluaient une « loi historique » qui va « dans la bonne direction » et qui apportera « une paix durable dans l’Est du Congo ».
Le document qui, sous d’autres cieux, aurait pu passer pour un canular, a été signé par cinq personnalités tout à fait respectables[1].
Mary Robinson, envoyée spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la Région des Grands Lacs ; Martin Kobler, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en RDC ; Boubacar Diarra, Représentant spécial de l’Union Africaine pour les Grands Lacs ; Russell Feingold, Envoyé spécial de Barack Obama pour les Grands Lacs et la RDC ; et Koen Vervaeke, Coordonnateur principal de l’Union européenne pour la Région des Grands Lacs.
Ce n’est pourtant pas la première fois que des personnalités de renommée internationale s’engagent sur des textes qui consacrent l’impunité au Congo.
Les accords du 23 mars 2009[2], dont se prévaut le M23, avaient été parrainés par deux anciens présidents africains : le Nigérian Olusegun Obasanjo et le Tanzanien Benjamin Mkapa. Mais lorsque les combattants rwando-ougandais ont déclenché la guerre en avril 2012, les deux parrains des accords ont tout simplement choisi d’être discrets.
Ce qui, naturellement, donne à penser que lorsque le M23, dont on sait qu’il se réorganise[3] au Rwanda et en Ouganda redeviendra un problème au Congo, les cinq personnalités ne seront pas là pour assumer les conséquences de la loi d’amnistie.
Ce sont, à nouveau, les populations congolaises qui feront les frais de la culture d’impunité consacrée par le texte que la communauté internationale s’est empressé d’acclamer en passant sous silence le sort des millions de victimes.
De la Shoah au Congo en passant par le Rwanda : deux poids deux mesures
En tout cas, cette même communauté internationale, pourtant intraitable vis-à-vis des génocidaires rwandais traqués[4] dans tous les pays sans relâche, et même des criminels nazis qu’on continue d’interpeller soixante-dix ans après la Shoah[5], vient de cautionner une loi qui assure la totale impunité aux individus impliqués dans la mort de plus de six millions de Congolais.
Impunité totale parce que cette loi d’amnistie se traduit par trois catégories des membres du M23, tous devant échapper à la justice. La première catégorie est celle des personnes qu’on estime ne pas être impliquées dans les « crimes graves ».
Ces personnes, la majorité, vont revenir au Congo et, certainement, intégrer les institutions (armée, administration). La deuxième catégorie est celle des membres du M23 se trouvant en prison. Ils vont être libérés puisque les engagements de Nairobi prévoient la libération des membres du M23 (engagement n° 3).
La troisième catégorie est celle des personnes figurant sur différentes listes, de sanction notamment. On n’imagine pas ces personnes revenir au Congo. Elles vivent libres au Rwanda et en Ouganda et devraient y rester… libres.
Kagamé et Museveni ont déjà prévenu qu’ils n’extraderont pas[6] ces personnes tandis que Joseph Kabila n’a jamais montré aux Congolais qu’il tient à l’extradition de ces individus. Une question de rapport des forces face à ses parrains et homologues (Museveni et Kagamé).
Résultat du calcul, tous les membres du M23 sont partis pour rester libres comme l’air malgré les atrocités qu’ils ont fait subir aux femmes et aux enfants dans l’Est du Congo (massacres[7], viols[8], pillages[9], assassinats[10]).
Et ils doivent leur totale liberté à une loi votée par le parlement congolais et approuvée par la communauté internationale.
Une véritable honte qui pourrait rapidement se retourner contre tous ceux qui l’ont cautionnée.
__________________
Boniface MUSAVULI
[1] http://radiookapi.net/actualite/201...
[2] http://afrikarabia.blogspirit.com/m...
[3] http://radiookapi.net/actualite/201...
[4] http://www.liberation.fr/monde/2014...
[5] http://www.liberation.fr/societe/20...
[6] http://www.digitalcongo.net/article...
[7] http://www.espritlibreproduction.co...
[8] http://www.hrw.org/fr/news/2013/07/...
[9] http://www.business-et-finances.com...
[10] http://www.huffingtonpost.fr/human-...
Au moment où le monde s’apprête à célébrer les 20 ans des massacres et du génocide au Rwanda, et que des suspects des crimes graves (génocidaires rwandais, cadres nazis) continuent d’être recherchés et traduits en justice, les autorités de Kinshasa ont fait le choix d’adopter une loi d’amnistie qui devrait se traduire par la totale impunité au profit des combattants du M23, responsables de massacres et de viols dans l’Est de la république Démocratique du Congo.
En effet, à l’exception d’un petit groupe d’une centaine d’individus, les 1600 membres du M23, signalés en Ouganda, et des centaines d’autres ayant fui au Rwanda, selon les autorités des deux pays, devraient revenir sereinement au Congo et « parader » au milieu des populations qu’ils ont martyrisées 19 mois durant.
L’adoption de la loi par les autorités de Kinshasa était toutefois assez prévisible. Elles se conformaient aux « ordres » du Président Kabila qui, à son tour, se conformait aux injonctions du Président ougandais Yoweri Museveni, à la fois médiateur international et parrain du M23.
Les autorités de Kinshasa auront ainsi simplement traduit dans les textes les injonctions du président ougandais par Kabila interposé. Rien d’étonnant dans ce vote compte tenu de l’influence que les Présidents Museveni et Kagamé exercent sur Joseph Kabila.
Le refus des parlementaires congolais aurait été vécu comme un insupportable affront à Kampala et à Kigali. Mais ce qui pose véritablement problème, c’est l’enthousiasme avec lequel cette loi (d’impunité) a été approuvée par la communauté internationale.
Le blanc-seing des grandes démocraties
Ainsi, dès le lendemain de l’adoption du projet de loi par l’assemblée nationale, les envoyés spéciaux de la communauté internationale se sont empressés de publier un communiqué conjoint dans lequel ils saluaient une « loi historique » qui va « dans la bonne direction » et qui apportera « une paix durable dans l’Est du Congo ».
Le document qui, sous d’autres cieux, aurait pu passer pour un canular, a été signé par cinq personnalités tout à fait respectables[1].
Mary Robinson, envoyée spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la Région des Grands Lacs ; Martin Kobler, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en RDC ; Boubacar Diarra, Représentant spécial de l’Union Africaine pour les Grands Lacs ; Russell Feingold, Envoyé spécial de Barack Obama pour les Grands Lacs et la RDC ; et Koen Vervaeke, Coordonnateur principal de l’Union européenne pour la Région des Grands Lacs.
Ce n’est pourtant pas la première fois que des personnalités de renommée internationale s’engagent sur des textes qui consacrent l’impunité au Congo.
Les accords du 23 mars 2009[2], dont se prévaut le M23, avaient été parrainés par deux anciens présidents africains : le Nigérian Olusegun Obasanjo et le Tanzanien Benjamin Mkapa. Mais lorsque les combattants rwando-ougandais ont déclenché la guerre en avril 2012, les deux parrains des accords ont tout simplement choisi d’être discrets.
Ce qui, naturellement, donne à penser que lorsque le M23, dont on sait qu’il se réorganise[3] au Rwanda et en Ouganda redeviendra un problème au Congo, les cinq personnalités ne seront pas là pour assumer les conséquences de la loi d’amnistie.
Ce sont, à nouveau, les populations congolaises qui feront les frais de la culture d’impunité consacrée par le texte que la communauté internationale s’est empressé d’acclamer en passant sous silence le sort des millions de victimes.
De la Shoah au Congo en passant par le Rwanda : deux poids deux mesures
En tout cas, cette même communauté internationale, pourtant intraitable vis-à-vis des génocidaires rwandais traqués[4] dans tous les pays sans relâche, et même des criminels nazis qu’on continue d’interpeller soixante-dix ans après la Shoah[5], vient de cautionner une loi qui assure la totale impunité aux individus impliqués dans la mort de plus de six millions de Congolais.
Impunité totale parce que cette loi d’amnistie se traduit par trois catégories des membres du M23, tous devant échapper à la justice. La première catégorie est celle des personnes qu’on estime ne pas être impliquées dans les « crimes graves ».
Ces personnes, la majorité, vont revenir au Congo et, certainement, intégrer les institutions (armée, administration). La deuxième catégorie est celle des membres du M23 se trouvant en prison. Ils vont être libérés puisque les engagements de Nairobi prévoient la libération des membres du M23 (engagement n° 3).
La troisième catégorie est celle des personnes figurant sur différentes listes, de sanction notamment. On n’imagine pas ces personnes revenir au Congo. Elles vivent libres au Rwanda et en Ouganda et devraient y rester… libres.
Kagamé et Museveni ont déjà prévenu qu’ils n’extraderont pas[6] ces personnes tandis que Joseph Kabila n’a jamais montré aux Congolais qu’il tient à l’extradition de ces individus. Une question de rapport des forces face à ses parrains et homologues (Museveni et Kagamé).
Résultat du calcul, tous les membres du M23 sont partis pour rester libres comme l’air malgré les atrocités qu’ils ont fait subir aux femmes et aux enfants dans l’Est du Congo (massacres[7], viols[8], pillages[9], assassinats[10]).
Et ils doivent leur totale liberté à une loi votée par le parlement congolais et approuvée par la communauté internationale.
Une véritable honte qui pourrait rapidement se retourner contre tous ceux qui l’ont cautionnée.
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Boniface MUSAVULI
[1] http://radiookapi.net/actualite/201...
[2] http://afrikarabia.blogspirit.com/m...
[3] http://radiookapi.net/actualite/201...
[4] http://www.liberation.fr/monde/2014...
[5] http://www.liberation.fr/societe/20...
[6] http://www.digitalcongo.net/article...
[7] http://www.espritlibreproduction.co...
[8] http://www.hrw.org/fr/news/2013/07/...
[9] http://www.business-et-finances.com...
[10] http://www.huffingtonpost.fr/human-...
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