02/07/2014
L’Afrique ne produit pas assez pour sérieusement faire face aux grandes problématiques auxquelles elle est soumise ; mais le peu qui est produit est mal géré : c’est ce qui engendre la pauvreté.
On peut aisément affirmer que l’Afrique ne produit pas assez de richesses pour pouvoir s’attaquer sérieusement à l’éradication de la famine et de la malnutrition dont les conséquences négatives sur les capacités intellectuelles et physiques des populations sont évidentes ; pas assez pour pouvoir combattre efficacement des maladies comme le paludisme, le Sida et d’autres maladies endémiques éradiquées ailleurs depuis longtemps, et dont la persistance, voire l’aggravation, résultent de la détérioration continue des conditions de vie des masses populaires ; pas assez pour préparer ses différents pays eux-mêmes à cette course au savoir, devenue une véritable course pour le pouvoir mondial et que n’auront la chance de gagner que ceux qui auront veillé à se doter, par un système d’éducation et de formation performant, d’un solide bataillon de têtes bien pleines mais surtout bien faites ; pas assez pour procéder aux investissements, de plus en plus lourds, que requiert le développement d’une puissante base autonome de recherche, de production et de diffusion d’informations, de savoirs et de technologie de pointe, condition nécessaire pour, non seulement, nous libérer de notre actuelle dépendance scientifique et technologique, mais aussi, pour espérer tenir raisonnablement une place confortable et jouer un rôle actif dans le monde de demain ; pas assez, enfin, pour pouvoir garantir, à l’intérieur de nos sociétés, le minimum de bien-être matériel, social et culturel.
C’est donc au regard de toutes ces nécessités, de toutes ces urgences que la lutte contre la pauvreté apparaît comme un préalable pouvant constituer un puissant facteur de mobilisation sociale et d’impulsion pour le développement.
D’autre part, ce qui nous empêche aujourd’hui d’accomplir des pas tangibles, réellement significatifs, dans cette si nécessaire lutte contre la pauvreté, peut s’expliquer aussi par le comportement de nos gouvernants et surtout par la compréhension qu’ils ont en général de la conduite des affaires publiques et de la gestion des biens collectifs.
En effet, s’il est vrai que nous ne produisons pas assez de richesses pour pouvoir faire face aux tâches urgentes que nous dictent la mondialisation et ses défis, il nous paraît tout aussi vrai que le peu que nous produisons est, le plus souvent, mal géré.
C’est pourquoi un des handicaps majeurs que notre continent doit nécessairement surmonter est celui de la « mal gouvernance ».
La réalité à laquelle renvoie ce néologisme est le lot le mieux partagé aujourd’hui en Afrique. On note, effectivement, un peu partout, des stratégies de développement économique et social inefficaces si ce n’est même purement et simplement le pilotage à vue et le bricolage qui en tiennent lieu.
Cela favorise toute une série de maux et de tares à commencer par une gestion patrimoniale des biens publics qui consiste, de la part de nos gouvernants, à les confondre trop souvent avec les biens de famille.
On peut, ensuite, citer le népotisme et le clientélisme (politique, ethnique, tribal, régionaliste ou confessionnel) qui consistent à répartir les responsabilités publiques et les avantages politiques et matériels y afférents, non pas sur la base de la compétence et du mérite, mais plutôt sur celle de la parenté ou de la fidélité.
Puis, la corruption qui est encouragée et alimentée en permanence par la pratique des pots-de-vin quasiment institutionnalisée par certains bailleurs.
Enfin, on peut retenir l’opacité la plus totale dans le fonctionnement des institutions souvent prises en otage par des réseaux et lobbies de toutes sortes dépossédant ainsi de fait les citoyens de leurs prérogatives naturelles et légitimes de contrôle démocratique sur l’Etat.
Toutes ces caractéristiques des pouvoirs africains tendent à donner raison aux tenants de l’afro-pessimisme quand ils affirment : « Bon nombre de dirigeants politiques africains sont arrivés au pouvoir par la force et leur mode de gouvernement s’apparente plus à la prédation qu’à la promotion du bien commun.
Mais, cette situation a de profondes racines culturelles qui font de leurs peuples des partisans objectifs de ce mode de gouvernement. Toute personne qui parvient au pouvoir est immédiatement sollicitée d’en faire retomber les avantages sur le maximum de ses « frères ». Et ceux qui sont rejetés espèrent bien prendre leur revanche un jour. (…) Mais on comprend aussi pourquoi les changements politiques sont si souvent décevants : il y a simplement changement de profiteurs… » .
D’ailleurs les conséquences de telles pratiques, qui ont durablement cassé les ressorts économiques et sociaux, voire psychologiques de nos pays, sont devenues tellement désastreuses que les bailleurs de fonds, qui les avaient encouragées jusque-là, ou qui avaient, en tout cas, fait semblant de ne rien en savoir, ont engagé contre elles une croisade mondiale sous le drapeau de la « bonne gouvernance ».
En réalité, cette croisade n’a d’autre motivation que la restauration ou la préservation de la capacité de nos pays de rembourser leurs dettes.
Mais, cela n’enlève rien au fait que les exigences de rigueur, de transparence et d’efficacité, que la bonne gouvernance met en avant, dans la gestion économique et politique de nos sociétés, relève d’un impératif objectif de survie pour ces dernières, même si on peut formuler, au regard de ses conséquences, des réserves sur la valeur réelle des recettes préconisées pour y parvenir.
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Diallo Amadou [*]
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[*] Diallo Amadou est contributeur sur IMANI Francophone
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Cameroonvoice
L’Afrique ne produit pas assez pour sérieusement faire face aux grandes problématiques auxquelles elle est soumise ; mais le peu qui est produit est mal géré : c’est ce qui engendre la pauvreté.
On peut aisément affirmer que l’Afrique ne produit pas assez de richesses pour pouvoir s’attaquer sérieusement à l’éradication de la famine et de la malnutrition dont les conséquences négatives sur les capacités intellectuelles et physiques des populations sont évidentes ; pas assez pour pouvoir combattre efficacement des maladies comme le paludisme, le Sida et d’autres maladies endémiques éradiquées ailleurs depuis longtemps, et dont la persistance, voire l’aggravation, résultent de la détérioration continue des conditions de vie des masses populaires ; pas assez pour préparer ses différents pays eux-mêmes à cette course au savoir, devenue une véritable course pour le pouvoir mondial et que n’auront la chance de gagner que ceux qui auront veillé à se doter, par un système d’éducation et de formation performant, d’un solide bataillon de têtes bien pleines mais surtout bien faites ; pas assez pour procéder aux investissements, de plus en plus lourds, que requiert le développement d’une puissante base autonome de recherche, de production et de diffusion d’informations, de savoirs et de technologie de pointe, condition nécessaire pour, non seulement, nous libérer de notre actuelle dépendance scientifique et technologique, mais aussi, pour espérer tenir raisonnablement une place confortable et jouer un rôle actif dans le monde de demain ; pas assez, enfin, pour pouvoir garantir, à l’intérieur de nos sociétés, le minimum de bien-être matériel, social et culturel.
C’est donc au regard de toutes ces nécessités, de toutes ces urgences que la lutte contre la pauvreté apparaît comme un préalable pouvant constituer un puissant facteur de mobilisation sociale et d’impulsion pour le développement.
D’autre part, ce qui nous empêche aujourd’hui d’accomplir des pas tangibles, réellement significatifs, dans cette si nécessaire lutte contre la pauvreté, peut s’expliquer aussi par le comportement de nos gouvernants et surtout par la compréhension qu’ils ont en général de la conduite des affaires publiques et de la gestion des biens collectifs.
En effet, s’il est vrai que nous ne produisons pas assez de richesses pour pouvoir faire face aux tâches urgentes que nous dictent la mondialisation et ses défis, il nous paraît tout aussi vrai que le peu que nous produisons est, le plus souvent, mal géré.
C’est pourquoi un des handicaps majeurs que notre continent doit nécessairement surmonter est celui de la « mal gouvernance ».
La réalité à laquelle renvoie ce néologisme est le lot le mieux partagé aujourd’hui en Afrique. On note, effectivement, un peu partout, des stratégies de développement économique et social inefficaces si ce n’est même purement et simplement le pilotage à vue et le bricolage qui en tiennent lieu.
Cela favorise toute une série de maux et de tares à commencer par une gestion patrimoniale des biens publics qui consiste, de la part de nos gouvernants, à les confondre trop souvent avec les biens de famille.
On peut, ensuite, citer le népotisme et le clientélisme (politique, ethnique, tribal, régionaliste ou confessionnel) qui consistent à répartir les responsabilités publiques et les avantages politiques et matériels y afférents, non pas sur la base de la compétence et du mérite, mais plutôt sur celle de la parenté ou de la fidélité.
Puis, la corruption qui est encouragée et alimentée en permanence par la pratique des pots-de-vin quasiment institutionnalisée par certains bailleurs.
Enfin, on peut retenir l’opacité la plus totale dans le fonctionnement des institutions souvent prises en otage par des réseaux et lobbies de toutes sortes dépossédant ainsi de fait les citoyens de leurs prérogatives naturelles et légitimes de contrôle démocratique sur l’Etat.
Toutes ces caractéristiques des pouvoirs africains tendent à donner raison aux tenants de l’afro-pessimisme quand ils affirment : « Bon nombre de dirigeants politiques africains sont arrivés au pouvoir par la force et leur mode de gouvernement s’apparente plus à la prédation qu’à la promotion du bien commun.
Mais, cette situation a de profondes racines culturelles qui font de leurs peuples des partisans objectifs de ce mode de gouvernement. Toute personne qui parvient au pouvoir est immédiatement sollicitée d’en faire retomber les avantages sur le maximum de ses « frères ». Et ceux qui sont rejetés espèrent bien prendre leur revanche un jour. (…) Mais on comprend aussi pourquoi les changements politiques sont si souvent décevants : il y a simplement changement de profiteurs… » .
D’ailleurs les conséquences de telles pratiques, qui ont durablement cassé les ressorts économiques et sociaux, voire psychologiques de nos pays, sont devenues tellement désastreuses que les bailleurs de fonds, qui les avaient encouragées jusque-là, ou qui avaient, en tout cas, fait semblant de ne rien en savoir, ont engagé contre elles une croisade mondiale sous le drapeau de la « bonne gouvernance ».
En réalité, cette croisade n’a d’autre motivation que la restauration ou la préservation de la capacité de nos pays de rembourser leurs dettes.
Mais, cela n’enlève rien au fait que les exigences de rigueur, de transparence et d’efficacité, que la bonne gouvernance met en avant, dans la gestion économique et politique de nos sociétés, relève d’un impératif objectif de survie pour ces dernières, même si on peut formuler, au regard de ses conséquences, des réserves sur la valeur réelle des recettes préconisées pour y parvenir.
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Diallo Amadou [*]
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[*] Diallo Amadou est contributeur sur IMANI Francophone
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