13 Août 2014
Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
Deux thèses se sont toujours affrontées dans ce forum sur les causes du désenchantement démocratique africain. La première qu’on se borne à énoncer incrimine la culture africaine qui ne serait pas propice à l’émergence de l’Etat de droit.
La deuxième que nous avons toujours défendue à travers plusieurs articles pointe du doigt les constitutions africaines et les institutions qui en découlent, celles-ci étant le résultat d’un comportement schizophrène consistant à simplement imiter les systèmes institutionnels occidentaux, oubliant que la démocratie n’est pas une culture hors sol.
Pour mettre les défenseurs de la première thèse au pied du mur, nous les avons invités à répondre à une question toute simple. Si la culture africaine est à l’origine des abus que l’on peut aisément observer dans le chef des dirigeants africains et surtout des présidents de la république, comment expliquer que les hommes politiques occidentaux d’origine africaine ne s’illustrent pas par les mêmes abus ?
Il n’y a eu qu’une réponse de surcroit magistralement invalidée par la propre expérience de notre pays depuis que le mot diaspora est entré dans le vocabulaire du Congolais lambda.
Cependant, un lecteur à l’esprit vif, le non-autrement identifié Paysan Congolais, nous a retourné notre question dans l’autre sens. Puisqu’à notre avis le problème se situe au niveau institutionnel, dit-il, les résultats du mimétisme ou du copier-coller devaient correspondre à ce qui se fait en Occident.
Pourquoi obtient-on alors des résultats médiocres en Afrique, nous interroge-t-il ?
Dans un premier article, nous avons d’abord tenu à faire comprendre que copier ne signifie pas forcement bien copier. On peut mal copier.
Et les Etats africains copient aveuglement. Ils ne prennent pas pour modèles les Etats occidentaux dont les tissus sociaux ressemblent aux leurs puisque fortement marqués par le phénomène identitaire. Ils copient plutôt les pays dans lesquels ce phénomène est soit inexistant, soit faiblement vécu par les citoyens.
Il y a donc en Afrique une absence totale de gestion de ce phénomène pourtant très bruyant chaque fois qu’on se lance dans un processus de démocratisation. Mais il n’y a pas que cela.
Dans ce deuxième article, nous allons nous pencher sur un autre aspect de la démocratie occidentale qui est tout aussi mal géré en Afrique : la conflictualité.
En copiant les systèmes institutionnels occidentaux, on s’imagine en Afrique qu’il suffit de créer des partis politiques et d’aller aux élections à l’issue desquelles certains partis se retrouvent au pouvoir et d’autres dans l’opposition. Telle est l’essence même de la démocratie conflictuelle.
Mais les Africains ne se rendent même pas compte que ce jeu se joue sur des terrains complètement différents. En Occident, le travail est la règle et le chômage l’exception. En Afrique, c’est la situation inverse qui prévaut.
En Occident, la classe des nantis est générée par la sphère économique tandis qu’en Afrique, la politique est le principal levier d’ascension sociale. La combinaison de ces deux facteurs aidant, la conflictualité politique en Afrique n’oppose pas des acteurs issus d’une même classe sociale.
Par ailleurs, à l’issue des élections en Afrique, les vainqueurs gagnent tout et les perdants perdent tout. Par contre en Occident, vainqueurs et opposants continuent d’appartenir à la même classe sociale.
En plus de multiples opportunités d’emploi dont ils peuvent bénéficier, les opposants occidentaux gèrent des fonds que l’Etat met à la disposition des partis. Contrairement à ce qu’on peut observer en Afrique, la conflictualité en Occident reste apaisée.
Quelles sont les conséquences des contrastes exposés ci-dessus ?
En Occident, l’organisation des élections est apaisée tandis qu’en Afrique, elle ressemble à une véritable lutte aux couteaux. A l’issue des élections, les vainqueurs qui gagnent tout sont obsédés par la perte de ce tout. Aussi cherchent-ils à s’éterniser au pouvoir. Les violations si courantes des droits de l’homme, le non-respect des lois et les tripatouillages des constitutions témoignent de cette obsession.
En Occident, les dirigeants des partis vainqueurs ne visent pas seulement les postes gouvernementaux. Ils se battent aussi pour des postes dans la direction du parti.
Par contre en Afrique, la direction des partis n’intéresse pas grand monde parmi les vainqueurs. Tout le monde se bat pour un poste au gouvernement.
En Occident, les partis au pouvoir et ceux de l’opposition animent tous la vie politique nationale à travers plusieurs activités dont celles liées à la production et à la diffusion de la pensée sur les grands enjeux politiques.
En Afrique, les partis disparaissent entre deux élections. Les leaders de l’opposition se bornent à faire des déclarations dans les médias et à organiser des manifestations pour déstabiliser le pouvoir dans le secret espoir de précipiter la chute des jouisseurs de la république et de prendre leur place.
La conflictualité non-apaisée alimente les tiraillements des Etats, l’instabilité des institutions, la répression et les rebellions.
Depuis un certain temps, les Occidentaux réfléchissant à la place des Africains recommandent qu’on érige la fonction de chef de l’opposition en fonction officielle. Une demi-mesure qui est loin de régler le problème posé par la conflictualité non-apaisée.
Quand le président de la république et le(s) plus grand(s) opposant(s) du pays n’appartiennent pas à la même classe sociale ; quand l’épouse du président de la république peut aller faire du shopping en Occident pendant que celle de l’opposant ne dispose même pas d’une bonne voiture pour se rendre au marché de la capitale, le jeu politique devient un danger permanent.
Regardez bien les opposants africains qui arrivent au pouvoir.
Au Congo, on les a vus avec des bottes en caoutchouc respirant la misère. Aujourd’hui, ils comptent parmi les hommes les plus riches de la planète. Quelque part en Afrique de l’ouest, on en a vu un dont la bouche était déformée sans doute par un accident vasculaire cérébral (AVC).
Il aura fallu qu’il arrive enfin au pouvoir après que le sang du peuple ait coulé abondamment pour enfin avoir la possibilité d’aller se faire soigner afin d’avoir une bouche présentable.
Toujours en Afrique de l’ouest, un autre opposant mettait des vestes qui avaient l’allure de vêtements tout droit sortis de la gueule d’une vache. Aujourd’hui, il a fière allure.
A-t-on déjà observé pareille métamorphose en Occident ? Non. Et c’est dans ce non que réside l’une des explications d’un copier-coller dont on ne peut attendre aucun miracle.
A suivre… car il y a d’autres explications qui sont aussi visibles que le nez au milieu du visage mais que les Africains ne voient pas.
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Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
© Congoindépendant
Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
Deux thèses se sont toujours affrontées dans ce forum sur les causes du désenchantement démocratique africain. La première qu’on se borne à énoncer incrimine la culture africaine qui ne serait pas propice à l’émergence de l’Etat de droit.
La deuxième que nous avons toujours défendue à travers plusieurs articles pointe du doigt les constitutions africaines et les institutions qui en découlent, celles-ci étant le résultat d’un comportement schizophrène consistant à simplement imiter les systèmes institutionnels occidentaux, oubliant que la démocratie n’est pas une culture hors sol.
Pour mettre les défenseurs de la première thèse au pied du mur, nous les avons invités à répondre à une question toute simple. Si la culture africaine est à l’origine des abus que l’on peut aisément observer dans le chef des dirigeants africains et surtout des présidents de la république, comment expliquer que les hommes politiques occidentaux d’origine africaine ne s’illustrent pas par les mêmes abus ?
Il n’y a eu qu’une réponse de surcroit magistralement invalidée par la propre expérience de notre pays depuis que le mot diaspora est entré dans le vocabulaire du Congolais lambda.
Cependant, un lecteur à l’esprit vif, le non-autrement identifié Paysan Congolais, nous a retourné notre question dans l’autre sens. Puisqu’à notre avis le problème se situe au niveau institutionnel, dit-il, les résultats du mimétisme ou du copier-coller devaient correspondre à ce qui se fait en Occident.
Pourquoi obtient-on alors des résultats médiocres en Afrique, nous interroge-t-il ?
Dans un premier article, nous avons d’abord tenu à faire comprendre que copier ne signifie pas forcement bien copier. On peut mal copier.
Et les Etats africains copient aveuglement. Ils ne prennent pas pour modèles les Etats occidentaux dont les tissus sociaux ressemblent aux leurs puisque fortement marqués par le phénomène identitaire. Ils copient plutôt les pays dans lesquels ce phénomène est soit inexistant, soit faiblement vécu par les citoyens.
Il y a donc en Afrique une absence totale de gestion de ce phénomène pourtant très bruyant chaque fois qu’on se lance dans un processus de démocratisation. Mais il n’y a pas que cela.
Dans ce deuxième article, nous allons nous pencher sur un autre aspect de la démocratie occidentale qui est tout aussi mal géré en Afrique : la conflictualité.
En copiant les systèmes institutionnels occidentaux, on s’imagine en Afrique qu’il suffit de créer des partis politiques et d’aller aux élections à l’issue desquelles certains partis se retrouvent au pouvoir et d’autres dans l’opposition. Telle est l’essence même de la démocratie conflictuelle.
Mais les Africains ne se rendent même pas compte que ce jeu se joue sur des terrains complètement différents. En Occident, le travail est la règle et le chômage l’exception. En Afrique, c’est la situation inverse qui prévaut.
En Occident, la classe des nantis est générée par la sphère économique tandis qu’en Afrique, la politique est le principal levier d’ascension sociale. La combinaison de ces deux facteurs aidant, la conflictualité politique en Afrique n’oppose pas des acteurs issus d’une même classe sociale.
Par ailleurs, à l’issue des élections en Afrique, les vainqueurs gagnent tout et les perdants perdent tout. Par contre en Occident, vainqueurs et opposants continuent d’appartenir à la même classe sociale.
En plus de multiples opportunités d’emploi dont ils peuvent bénéficier, les opposants occidentaux gèrent des fonds que l’Etat met à la disposition des partis. Contrairement à ce qu’on peut observer en Afrique, la conflictualité en Occident reste apaisée.
Quelles sont les conséquences des contrastes exposés ci-dessus ?
En Occident, l’organisation des élections est apaisée tandis qu’en Afrique, elle ressemble à une véritable lutte aux couteaux. A l’issue des élections, les vainqueurs qui gagnent tout sont obsédés par la perte de ce tout. Aussi cherchent-ils à s’éterniser au pouvoir. Les violations si courantes des droits de l’homme, le non-respect des lois et les tripatouillages des constitutions témoignent de cette obsession.
En Occident, les dirigeants des partis vainqueurs ne visent pas seulement les postes gouvernementaux. Ils se battent aussi pour des postes dans la direction du parti.
Par contre en Afrique, la direction des partis n’intéresse pas grand monde parmi les vainqueurs. Tout le monde se bat pour un poste au gouvernement.
En Occident, les partis au pouvoir et ceux de l’opposition animent tous la vie politique nationale à travers plusieurs activités dont celles liées à la production et à la diffusion de la pensée sur les grands enjeux politiques.
En Afrique, les partis disparaissent entre deux élections. Les leaders de l’opposition se bornent à faire des déclarations dans les médias et à organiser des manifestations pour déstabiliser le pouvoir dans le secret espoir de précipiter la chute des jouisseurs de la république et de prendre leur place.
La conflictualité non-apaisée alimente les tiraillements des Etats, l’instabilité des institutions, la répression et les rebellions.
Depuis un certain temps, les Occidentaux réfléchissant à la place des Africains recommandent qu’on érige la fonction de chef de l’opposition en fonction officielle. Une demi-mesure qui est loin de régler le problème posé par la conflictualité non-apaisée.
Quand le président de la république et le(s) plus grand(s) opposant(s) du pays n’appartiennent pas à la même classe sociale ; quand l’épouse du président de la république peut aller faire du shopping en Occident pendant que celle de l’opposant ne dispose même pas d’une bonne voiture pour se rendre au marché de la capitale, le jeu politique devient un danger permanent.
Regardez bien les opposants africains qui arrivent au pouvoir.
Au Congo, on les a vus avec des bottes en caoutchouc respirant la misère. Aujourd’hui, ils comptent parmi les hommes les plus riches de la planète. Quelque part en Afrique de l’ouest, on en a vu un dont la bouche était déformée sans doute par un accident vasculaire cérébral (AVC).
Il aura fallu qu’il arrive enfin au pouvoir après que le sang du peuple ait coulé abondamment pour enfin avoir la possibilité d’aller se faire soigner afin d’avoir une bouche présentable.
Toujours en Afrique de l’ouest, un autre opposant mettait des vestes qui avaient l’allure de vêtements tout droit sortis de la gueule d’une vache. Aujourd’hui, il a fière allure.
A-t-on déjà observé pareille métamorphose en Occident ? Non. Et c’est dans ce non que réside l’une des explications d’un copier-coller dont on ne peut attendre aucun miracle.
A suivre… car il y a d’autres explications qui sont aussi visibles que le nez au milieu du visage mais que les Africains ne voient pas.
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Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
© Congoindépendant
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