15/08/2014
UA - Session de l'Union Africaine Juillet 2011
La mauvaise gestion du phénomène identitaire constitue donc la première cause des résultats médiocres produits par l’importation en Afrique des systèmes institutionnels occidentaux.
L’Afrique copie. Mais elle copie bêtement. Cette bêtise se manifeste davantage dans la gestion du caractère conflictuel du modèle démocratique occidental.
Dans un débat, il est toujours intéressant de tomber sur quelqu’un ayant le sens de la repartie. L’art de la réplique n’est en effet pas donné à tout le monde. Il s’agit d’un ping-pong verbal qui exige rapidité et frappe au cœur, surtout pour les aficionados des joutes oratoires.
En insistant sur l’existence des constitutions mal ficelées et les institutions boiteuses qui en découlent comme source principale du désenchantement démocratique en Afrique ; en demandant aux défenseurs de la thèse de la culture africaine qui ne serait pas propice à l’émergence de l’Etat de droit d’expliquer pourquoi les hommes politiques occidentaux d’origine africaine ne s’illustraient pas par le même degré d’irresponsabilité si courant en Afrique, nous pensions que tous nos détracteurs auraient les cerveaux bloqués.
La solidité de notre argument a été démontrée par la réponse de Nono qui explique ce phénomène par l’acquisition d’une seconde nature à force de vivre en Occident ; ce que dément pourtant bruyamment l’expérience ce notre propre pays avec le retour en force des membres de la diaspora occidentale pour non pas aider Laurent-Désiré Kabila à construire un Etat de droit, mais soutenir tout simplement sa dictature.
Réalité encore vécue de nos jours avec le gouvernement actuel qui ne cesse de s’illustrer dans la mauvaise gouvernance avec le soutien plus qu’actif des Congolais pourtant issus de la diaspora.
Mais un contradicteur, Paysan Congolais, a eu l’esprit vif en nous retournant la même question dans le sens contraire, c’est-à-dire celui de la thèse que nous défendons : « Pouvez-vous nous dire pourquoi les systèmes institutionnels occidentaux qui, à vous écouter, marchent très bien en Occident, produisent des résultats médiocres dans nos pays ?
Parce que si le problème n’était qu’au niveau institutionnel, les résultats du copier-coller devaient correspondre à ce qui se fait en Occident ».
Ainsi, en bon débatteur, Paysan Congolais croit à son tour avoir réussi à nous mettre au pied du mur ou nous laisser sans voix ou encore à troubler notre affect et à brouiller notre mental.
D’emblée, nous tenons à faire remarquer que nous n’avons pas attendu que Paysan Congolais vienne un jour nous poser cette question. Nous l’avions anticipée au cours de nos recherches. Qu’on se rappelle ici que la capacité d’anticipation fait trop souvent défaut quand les élites africaines se proposent de construire des sociétés démocratiques.
Paysan Congolais commet une grosse erreur en parlant de « copier-coller », surtout maintenant que l’humanité vit à l’heure de l’Informatique et de l’Internet. Dans ce domaine-là, quand on fait du « copier-coller », la copie ne peut que refléter le modèle copié.
Mais tel n’est pas le cas en sciences sociales où le contraire peut arriver. Et c’est justement ce qui se passe en Afrique.
Pour cette raison, on parle de copier aveuglement, c’est-à-dire copier la forme (création des partis politiques, organisation des élections, etc.) sans s’intéresser à la substance (gestion du phénomène identitaire et de la conflictualité, démocratie à l’intérieur des partis, séparation des pouvoirs, etc.).
« L’ajustement politique africain, pour une démocratie endogène au Congo-Kinshasa » est un livre que nous avons divisé en deux parties.
La première explique les raisons du désenchantement démocratique au Congo et ailleurs en Afrique pendant que la deuxième traite de la question qui doit logiquement suivre : que faire pour asseoir la démocratie dans nos pays ?
Un chapitre intitulé « copier utile » sert de passerelle entre les deux parties, tant il est vrai que les Congolais et les autres Africains copient bêtement.
En effet, certains Etats occidentaux partagent la caractéristique principale des Etats africains : ils ne sont pas ce qu’on appelle communément des Etats-Nations, c’est-à-dire constitués d’un tissu social homogène.
Quand le phénomène identitaire est fortement ancré dans la conscience sociale des citoyens, qu’il soit d’ordre culturel, confessionnel, racial, géographique, etc., il doit impérativement être intégré dans la loi fondamentale, à travers la reconnaissance explicite des différentes communautés, avant d’organiser la vie politique dans le cadre de la démocratie partisane et conflictuelle.
Quand se trouvant face à notre vision politique qui recommande l’intégration de l’ethnicité ou de la régionalité dans l’agenda public selon les cas, Boma Omena cherche à savoir « les projets de société ou les idéologies structurant ces entités ethniques entre elles et à l’intérieur de chacune d’elles », il oublie hélas que la reconnaissance du phénomène identitaire a pour objectif d’assurer la cohésion sociale, en dépit de l’hétérogénéité du tissu social, afin de permettre aux élites issues de différentes communautés d’aborder les questions idéologiques en toute sérénité.
Sans une telle stratégie, les élites seraient avant tout tiraillées entre le désir de dominer et la crainte d’être dominé au nom de l’idée qu’elles se font de leurs communautés respectives et des autres.
L’Autriche, la Belgique, le Canada et la Suisse ont reconnu et intégré leurs communautés respectives dans leurs lois fondamentales dans ce but précis.
En Afrique par contre, la rhétorique coloniale qui présentait les différentes communautés ethniques ou régionales comme contraires à l’émergence de l’Etat moderne est si bien ancrée dans les cerveaux des élites que celles-ci préfèrent tenir des discours sublimant l’unité nationale (Tata bo ? Moko) au lieu de reconnaitre et d’intégrer dans la constitution l’existence du pluralisme social pour une unité nationale réelle.
Résultat, les détenteurs de l’imperium, qui se collent volontiers l’étiquette de patriotes ou nationalistes et prononcent moult discours sur l’égalité de tous les citoyens, recourent abondamment aux membres de leurs familles, tribus, ethnies et régions pour avoir la main mise sur l’appareil de l’Etat. Mieux, ce faisant, ils ne violent aucune disposition constitutionnelle.
La mauvaise gestion du phénomène identitaire constitue donc la première cause des résultats médiocres produits par l’importation en Afrique des systèmes institutionnels occidentaux. L’Afrique copie. Mais elle copie bêtement.
Cette bêtise se manifeste davantage dans la gestion du caractère conflictuel du modèle démocratique occidental qui fera l’objet d’un prochain article.
A suivre…tout en sachant chaque cause que nous avons identifiée suffit à elle seule à disqualifier le modèle démocratique occidental en terre africaine dans sa pratique d’hier, au lendemain des indépendances, et d’aujourd’hui, depuis la pérestroïka et le discours de La Baule.
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Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
© KongoTimes
UA - Session de l'Union Africaine Juillet 2011
La mauvaise gestion du phénomène identitaire constitue donc la première cause des résultats médiocres produits par l’importation en Afrique des systèmes institutionnels occidentaux.
L’Afrique copie. Mais elle copie bêtement. Cette bêtise se manifeste davantage dans la gestion du caractère conflictuel du modèle démocratique occidental.
Dans un débat, il est toujours intéressant de tomber sur quelqu’un ayant le sens de la repartie. L’art de la réplique n’est en effet pas donné à tout le monde. Il s’agit d’un ping-pong verbal qui exige rapidité et frappe au cœur, surtout pour les aficionados des joutes oratoires.
En insistant sur l’existence des constitutions mal ficelées et les institutions boiteuses qui en découlent comme source principale du désenchantement démocratique en Afrique ; en demandant aux défenseurs de la thèse de la culture africaine qui ne serait pas propice à l’émergence de l’Etat de droit d’expliquer pourquoi les hommes politiques occidentaux d’origine africaine ne s’illustraient pas par le même degré d’irresponsabilité si courant en Afrique, nous pensions que tous nos détracteurs auraient les cerveaux bloqués.
La solidité de notre argument a été démontrée par la réponse de Nono qui explique ce phénomène par l’acquisition d’une seconde nature à force de vivre en Occident ; ce que dément pourtant bruyamment l’expérience ce notre propre pays avec le retour en force des membres de la diaspora occidentale pour non pas aider Laurent-Désiré Kabila à construire un Etat de droit, mais soutenir tout simplement sa dictature.
Réalité encore vécue de nos jours avec le gouvernement actuel qui ne cesse de s’illustrer dans la mauvaise gouvernance avec le soutien plus qu’actif des Congolais pourtant issus de la diaspora.
Mais un contradicteur, Paysan Congolais, a eu l’esprit vif en nous retournant la même question dans le sens contraire, c’est-à-dire celui de la thèse que nous défendons : « Pouvez-vous nous dire pourquoi les systèmes institutionnels occidentaux qui, à vous écouter, marchent très bien en Occident, produisent des résultats médiocres dans nos pays ?
Parce que si le problème n’était qu’au niveau institutionnel, les résultats du copier-coller devaient correspondre à ce qui se fait en Occident ».
Ainsi, en bon débatteur, Paysan Congolais croit à son tour avoir réussi à nous mettre au pied du mur ou nous laisser sans voix ou encore à troubler notre affect et à brouiller notre mental.
D’emblée, nous tenons à faire remarquer que nous n’avons pas attendu que Paysan Congolais vienne un jour nous poser cette question. Nous l’avions anticipée au cours de nos recherches. Qu’on se rappelle ici que la capacité d’anticipation fait trop souvent défaut quand les élites africaines se proposent de construire des sociétés démocratiques.
Paysan Congolais commet une grosse erreur en parlant de « copier-coller », surtout maintenant que l’humanité vit à l’heure de l’Informatique et de l’Internet. Dans ce domaine-là, quand on fait du « copier-coller », la copie ne peut que refléter le modèle copié.
Mais tel n’est pas le cas en sciences sociales où le contraire peut arriver. Et c’est justement ce qui se passe en Afrique.
Pour cette raison, on parle de copier aveuglement, c’est-à-dire copier la forme (création des partis politiques, organisation des élections, etc.) sans s’intéresser à la substance (gestion du phénomène identitaire et de la conflictualité, démocratie à l’intérieur des partis, séparation des pouvoirs, etc.).
« L’ajustement politique africain, pour une démocratie endogène au Congo-Kinshasa » est un livre que nous avons divisé en deux parties.
La première explique les raisons du désenchantement démocratique au Congo et ailleurs en Afrique pendant que la deuxième traite de la question qui doit logiquement suivre : que faire pour asseoir la démocratie dans nos pays ?
Un chapitre intitulé « copier utile » sert de passerelle entre les deux parties, tant il est vrai que les Congolais et les autres Africains copient bêtement.
En effet, certains Etats occidentaux partagent la caractéristique principale des Etats africains : ils ne sont pas ce qu’on appelle communément des Etats-Nations, c’est-à-dire constitués d’un tissu social homogène.
Quand le phénomène identitaire est fortement ancré dans la conscience sociale des citoyens, qu’il soit d’ordre culturel, confessionnel, racial, géographique, etc., il doit impérativement être intégré dans la loi fondamentale, à travers la reconnaissance explicite des différentes communautés, avant d’organiser la vie politique dans le cadre de la démocratie partisane et conflictuelle.
Quand se trouvant face à notre vision politique qui recommande l’intégration de l’ethnicité ou de la régionalité dans l’agenda public selon les cas, Boma Omena cherche à savoir « les projets de société ou les idéologies structurant ces entités ethniques entre elles et à l’intérieur de chacune d’elles », il oublie hélas que la reconnaissance du phénomène identitaire a pour objectif d’assurer la cohésion sociale, en dépit de l’hétérogénéité du tissu social, afin de permettre aux élites issues de différentes communautés d’aborder les questions idéologiques en toute sérénité.
Sans une telle stratégie, les élites seraient avant tout tiraillées entre le désir de dominer et la crainte d’être dominé au nom de l’idée qu’elles se font de leurs communautés respectives et des autres.
L’Autriche, la Belgique, le Canada et la Suisse ont reconnu et intégré leurs communautés respectives dans leurs lois fondamentales dans ce but précis.
En Afrique par contre, la rhétorique coloniale qui présentait les différentes communautés ethniques ou régionales comme contraires à l’émergence de l’Etat moderne est si bien ancrée dans les cerveaux des élites que celles-ci préfèrent tenir des discours sublimant l’unité nationale (Tata bo ? Moko) au lieu de reconnaitre et d’intégrer dans la constitution l’existence du pluralisme social pour une unité nationale réelle.
Résultat, les détenteurs de l’imperium, qui se collent volontiers l’étiquette de patriotes ou nationalistes et prononcent moult discours sur l’égalité de tous les citoyens, recourent abondamment aux membres de leurs familles, tribus, ethnies et régions pour avoir la main mise sur l’appareil de l’Etat. Mieux, ce faisant, ils ne violent aucune disposition constitutionnelle.
La mauvaise gestion du phénomène identitaire constitue donc la première cause des résultats médiocres produits par l’importation en Afrique des systèmes institutionnels occidentaux. L’Afrique copie. Mais elle copie bêtement.
Cette bêtise se manifeste davantage dans la gestion du caractère conflictuel du modèle démocratique occidental qui fera l’objet d’un prochain article.
A suivre…tout en sachant chaque cause que nous avons identifiée suffit à elle seule à disqualifier le modèle démocratique occidental en terre africaine dans sa pratique d’hier, au lendemain des indépendances, et d’aujourd’hui, depuis la pérestroïka et le discours de La Baule.
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Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
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