Si les Etats-Unis insistent tant pour que Joseph Kabila délaisse son trône de chef d’Etat de République démocratique du Congo, ce n’est sans doute par seulement atavisme démocratique.
Washington reproche à Kinshasa de ne (toujours) pas contrôler des circuits financiers de Libanais liés au Hezbollah…
Après 18 mois de gestation, le sphinx de Kinshasa a accouché. Joseph Kabila, taiseux chef de l’Etat congolais a coup sur coup annoncé la formation d’un nouveau gouvernement d’union nationale le 7 décembre avant de s’adresser le 15 décembre devant le congrès, réunis dans la tumultueuse capitale. Une agitation de façade.
Le Parti présidentiel garde la haute main sur la marché de l’Etat, le Premier ministre Matata, lesté de 47 ministres conserve son poste et l’horizon politique demeure brumeux.
En 2016, comme son voisin de Brazzaville ou le lointain Burkina, la République démocratique du Congo doit affronter une élection présidentielle. A laquelle, selon les textes actuels, le président Kabila, au sortir de ses deux mandats, ne peut concourir. A moins d’une révision de la loi suprême.
La démarche a provoqué la chute de Compaoré à Ouagadougou, fait reculer Paul Kagamé, le président rwandais, qui a annoncé sa volonté de quitter le pouvoir en 2017 et provoque une grande agitation à Brazzaville.
Pour contourner l’obstacle, le régime de Denis Sassou Nguesso annonce vouloir tout simplement changer de constitution. Et le «Cobra Suprême» de se proposer d’assurer la transition d’une République à l’autre.
L’oukase du département d’Etat
Nulle grande déclaration de la sorte à Kin’la Belle, où les communications du président sont aussi calme que le grand fleuve est agité. Ses partisans proposent bien un amendement du texte fondateur, les opposants s’en offusquent et le Sphinx demeure silencieux. Au grand agacement des Américains.
En mai dernier, le secrétaire d’Etat John Kerry en visite dans les Grands Lacs a fort peu diplomatiquement annoncé que «le processus constitutionnel doit être respecté» quand l’envoyé spécial pour la région ne déclame plus clairement que les Etats-Unis ne veulent pas que «Joseph Kabila change la Constitution ou fasse un troisième mandat».
Pour franche qu’elle soit, une telle prise position diplomatique dans cette Afrique si compliquée ne lasse pas d’étonner; d’autant que les candidats à la magistrature suprême hors du sérail kabiliste ne sont pas légions.
Moins qu’une volonté farouche de démocratisation d’un pays sortant à peine de 15 ans de guerre civile, elle démontre surtout «un gros agacement», décrit à Bakchich un industriel local.
Pour le comprendre, il suffit de se balader quelques temps sur le boulevard du 30 juin, la grande artère de Kinshasa. Le long de ses huit voies cohabitent taxis collectifs à l’agonie, mini vans dégingandés, 4x4 rutilants et autres Porsche Cayenne.
L’éclectique noria de 4 roues draine un flux ininterrompu sous les immeubles en construction, grands ensembles chics où se succèdent banques, garages haut de gammes et ministères.
Si la majeure partie des Congolais souffre, une infime poignée de citoyens profite de l’embellie économique, à l’ombre des groupes de BTP indiens, pakistanais ou libanais et des banques qui ont pignon sur rue dans la capitale africaine.
Le trésor américain fait toujours rimer Kinshasa et Hezbollah
«Toute le secteur économique est dominé par les musulmans, et cela inquiète beaucoup les Américains», analyse un entrepreneur haut placé. D’autant que la lutte contre le blanchiment et l’évasion fiscale ne figurent pas dans les priorités gouvernementales.
«Le Congo est devenu un trou noir dans la finance mondiale et les Américains s’en agacent depuis longtemps. Surtout quand ils lisent les grands noms installés ici».
Depuis 2010, l’un des fleurons de l’économie locale, Congo Futur est soumis à des sanctions américaines ciblées. L’année suivante, sous peine de se voir retirer sa licence bancaire aux Etats-Unis, la succursale de la Citibank a été enjointe de quitte l’immeuble de Congo Futur.
En cause, les noms des fondateurs de la prospère société: les Tajideen. Cette famille libanaise est intimement liée au Hezbollah du pays du Cèdre, un groupe terroriste selon la classification américaine.
Les trois frères (feu) Ali, Kassim et Hussayn sont considérés comme des collecteurs de fonds par le département du trésor américain, et ciblés par ses sanctions. Si le président de Congo Futur Ahmed n’est pas nommément visé, toutes les activités du groupe sont sous surveillance…
En 2014, le Groupe est toujours référencé Specially Designated Global Terrorist par le Trésor américain.
«Les sanctions n’ont pas fait plié le gouvernement, et aucun traité d’extradition n’existe. Alors évidemment les Américains s’agacent contre Kabila, qu’ils soupçonnent d’avoir des intérêts dans Congo Futur».
Et par ricochet dans l’éventuel financement d’un groupe terroriste. A mesure que l’horizon 2016 se rapproche, le bruit enfle à Kinshasa. «Bientôt des immeubles de Libanais vont être à vendre dans la ville». Un slogan qui est même parvenu jusqu’aux oreilles du puissant ministère de l’Intérieur.
«Oui on a appris que l’enquête du département du trésor américain avance, glisse un conseiller à Bakchich. Sans générer trop d’inquiétudes. Au mur de son bureau, demeure une trace d’un impact de balle.
____________
Xavier Monnier
Washington reproche à Kinshasa de ne (toujours) pas contrôler des circuits financiers de Libanais liés au Hezbollah…
Après 18 mois de gestation, le sphinx de Kinshasa a accouché. Joseph Kabila, taiseux chef de l’Etat congolais a coup sur coup annoncé la formation d’un nouveau gouvernement d’union nationale le 7 décembre avant de s’adresser le 15 décembre devant le congrès, réunis dans la tumultueuse capitale. Une agitation de façade.
Le Parti présidentiel garde la haute main sur la marché de l’Etat, le Premier ministre Matata, lesté de 47 ministres conserve son poste et l’horizon politique demeure brumeux.
En 2016, comme son voisin de Brazzaville ou le lointain Burkina, la République démocratique du Congo doit affronter une élection présidentielle. A laquelle, selon les textes actuels, le président Kabila, au sortir de ses deux mandats, ne peut concourir. A moins d’une révision de la loi suprême.
La démarche a provoqué la chute de Compaoré à Ouagadougou, fait reculer Paul Kagamé, le président rwandais, qui a annoncé sa volonté de quitter le pouvoir en 2017 et provoque une grande agitation à Brazzaville.
Pour contourner l’obstacle, le régime de Denis Sassou Nguesso annonce vouloir tout simplement changer de constitution. Et le «Cobra Suprême» de se proposer d’assurer la transition d’une République à l’autre.
L’oukase du département d’Etat
Nulle grande déclaration de la sorte à Kin’la Belle, où les communications du président sont aussi calme que le grand fleuve est agité. Ses partisans proposent bien un amendement du texte fondateur, les opposants s’en offusquent et le Sphinx demeure silencieux. Au grand agacement des Américains.
En mai dernier, le secrétaire d’Etat John Kerry en visite dans les Grands Lacs a fort peu diplomatiquement annoncé que «le processus constitutionnel doit être respecté» quand l’envoyé spécial pour la région ne déclame plus clairement que les Etats-Unis ne veulent pas que «Joseph Kabila change la Constitution ou fasse un troisième mandat».
Pour franche qu’elle soit, une telle prise position diplomatique dans cette Afrique si compliquée ne lasse pas d’étonner; d’autant que les candidats à la magistrature suprême hors du sérail kabiliste ne sont pas légions.
Moins qu’une volonté farouche de démocratisation d’un pays sortant à peine de 15 ans de guerre civile, elle démontre surtout «un gros agacement», décrit à Bakchich un industriel local.
Pour le comprendre, il suffit de se balader quelques temps sur le boulevard du 30 juin, la grande artère de Kinshasa. Le long de ses huit voies cohabitent taxis collectifs à l’agonie, mini vans dégingandés, 4x4 rutilants et autres Porsche Cayenne.
L’éclectique noria de 4 roues draine un flux ininterrompu sous les immeubles en construction, grands ensembles chics où se succèdent banques, garages haut de gammes et ministères.
Si la majeure partie des Congolais souffre, une infime poignée de citoyens profite de l’embellie économique, à l’ombre des groupes de BTP indiens, pakistanais ou libanais et des banques qui ont pignon sur rue dans la capitale africaine.
Le trésor américain fait toujours rimer Kinshasa et Hezbollah
«Toute le secteur économique est dominé par les musulmans, et cela inquiète beaucoup les Américains», analyse un entrepreneur haut placé. D’autant que la lutte contre le blanchiment et l’évasion fiscale ne figurent pas dans les priorités gouvernementales.
«Le Congo est devenu un trou noir dans la finance mondiale et les Américains s’en agacent depuis longtemps. Surtout quand ils lisent les grands noms installés ici».
Depuis 2010, l’un des fleurons de l’économie locale, Congo Futur est soumis à des sanctions américaines ciblées. L’année suivante, sous peine de se voir retirer sa licence bancaire aux Etats-Unis, la succursale de la Citibank a été enjointe de quitte l’immeuble de Congo Futur.
En cause, les noms des fondateurs de la prospère société: les Tajideen. Cette famille libanaise est intimement liée au Hezbollah du pays du Cèdre, un groupe terroriste selon la classification américaine.
Les trois frères (feu) Ali, Kassim et Hussayn sont considérés comme des collecteurs de fonds par le département du trésor américain, et ciblés par ses sanctions. Si le président de Congo Futur Ahmed n’est pas nommément visé, toutes les activités du groupe sont sous surveillance…
En 2014, le Groupe est toujours référencé Specially Designated Global Terrorist par le Trésor américain.
«Les sanctions n’ont pas fait plié le gouvernement, et aucun traité d’extradition n’existe. Alors évidemment les Américains s’agacent contre Kabila, qu’ils soupçonnent d’avoir des intérêts dans Congo Futur».
Et par ricochet dans l’éventuel financement d’un groupe terroriste. A mesure que l’horizon 2016 se rapproche, le bruit enfle à Kinshasa. «Bientôt des immeubles de Libanais vont être à vendre dans la ville». Un slogan qui est même parvenu jusqu’aux oreilles du puissant ministère de l’Intérieur.
«Oui on a appris que l’enquête du département du trésor américain avance, glisse un conseiller à Bakchich. Sans générer trop d’inquiétudes. Au mur de son bureau, demeure une trace d’un impact de balle.
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Xavier Monnier
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