Les partis PPRD et Palu ont joué et jouent à fond la carte ethnico-régionale.
Après le chaos électoral de l’an dernier, les maîtres du monde attendaient de mesurer la capacité d’indignation du peuple congolais et la réaction de leur nouveau protégé pour suggérer ou imposer leur vision de la sortie de crise. A cet égard, la marche des chrétiens du 16 février devait servir de test.
Mais les massacres et assassinats perpétrés par le régime en place ont déjà fait revenir au galop la peur du dictateur. Résultat, la marche des chrétiens fut un échec. Conséquence, le « vainqueur » de l’élection présidentielle peut désormais former son gouvernement.
Aux Congolais qui se collent volontiers l’étiquette d’opposants parce qu’ils auraient des valeurs à défendre, la réponse des puissants du village planétaire est connue d’avance : «Circulez, il n’y a rien à voir !».
La course est donc lancée pour la formation du gouvernement. Aujourd’hui comme hier sous Mobutu, les médias officiels ne cessent de nous répéter que la compétence sera l’unique critère dans le choix des ministres. «Aucun choix ne saurait être plus judicieux», entendait-on dire à la suite de chaque nouvelle nomination tout au long du mobutisme triomphant.
La course est donc lancée pour la formation du gouvernement. Aujourd’hui comme hier sous Mobutu, les médias officiels ne cessent de nous répéter que la compétence sera l’unique critère dans le choix des ministres. «Aucun choix ne saurait être plus judicieux», entendait-on dire à la suite de chaque nouvelle nomination tout au long du mobutisme triomphant.
La compétence a donc toujours été au rendez-vous ; ce qui n’empêche que le pays sombre chaque jour davantage dans la misère et la désillusion. C’est dire qu’en réalité, plusieurs facteurs entrent en jeu pour accéder à la caste enchanteresse des hommes du pouvoir.
Et aucun de ces facteurs ne semble obéir aux principes républicains et encore moins à ceux de la démocratie partisane et conflictuelle que l’homme africain considère pourtant comme l’unique horizon de l’époque moderne. Au contraire, la tribu et l’obséquiosité à l’égard du roi du jour constituent un tremplin idéal.
Le 18 février dernier, le journal «Le Soft International» de Kin-Kiey Mulumba a mis en ligne un titre fort intéressant qui souligne les errements des Africains dans la recherche de la démocratie. On peut y lire : «Fort de sa force démographique, le peuple Mbala réclame un rôle politique».
Le 18 février dernier, le journal «Le Soft International» de Kin-Kiey Mulumba a mis en ligne un titre fort intéressant qui souligne les errements des Africains dans la recherche de la démocratie. On peut y lire : «Fort de sa force démographique, le peuple Mbala réclame un rôle politique».
La force démographique d’un groupe se lit à travers les statistiques. Mais l’article se contente de souligner que les Mbala «peuplent le Bandundu (le Kwilu jusqu’à Gungu et le Kwango jusqu’à Kolokoso) mais aussi le Kasaï Occidental à Luiza et… la ville de Kinshasa où ils constituent une diaspora majoritaire».
Aussi relancent-ils «leur alliance Ambala créée par l’homme politique Bernadin Mungulu Diaka appelé Ya Mungul, une vraie icône Mbala».
Pour relancer l’alliance des Mbala, Kin-Kiey Mulumba a tout simplement sorti de sa poche un «descendant» d’un improbable Roi des Bambala, un certain Guy-Modeste Masini Mangubu qu’il a fait venir de son territoire de Masi-Manimba pour «installer le comité fédéral de Kinshasa».
Pour relancer l’alliance des Mbala, Kin-Kiey Mulumba a tout simplement sorti de sa poche un «descendant» d’un improbable Roi des Bambala, un certain Guy-Modeste Masini Mangubu qu’il a fait venir de son territoire de Masi-Manimba pour «installer le comité fédéral de Kinshasa».
Ainsi, des Mbala de Kinshasa « se sont retrouvés en comités national et fédéral le 29 janvier dans l’enceinte de la paroisse Saint Adrien à Ngaba puis le 11 février à la résidence de l’Hon. Tryphon Kin-Kiey Mulumba à Binza où un diner de famille a été offert par le couple.
L’occasion pour le Seigneur Guy-Modeste Masini Mangubu de présenter des vœux au Président de la République et de lui adresser un message au nom du peuple Mbala». Le contenu de ce message fut sans équivoque, revisitant au passage la fable de La Fontaine «Le corbeau et le renard».
En effet, « dans une lettre au président de la République remise le week-end à l’Hon. Tryphon Kin-Kiey Mulumba, les Mbala (Mbala, Ngongo, Songo, Hungana, Kwese et Pindi), peuple majoritaire et dominant au plan démographique dans la province de Bandundu constituant une ethnie, félicitent le chef de l’État pour sa réélection à la magistrature suprême, réélection a laquelle le peuple Mbala s’est impliqué dans sa majorité».
Et la lettre de poursuivre : « les Mbala réaffirment leur soutien et leur engagement à accompagner le président de la République dans son projet de Révolution de modernité de la RDC. Ce peuple ne ménagera aucun effort pour la réussite du nouveau quinquennat qui s’engage.
Nous avons résolument décidé de mobiliser et d’organiser l’ethnie Mbala pour le soutien de votre mandat. Ce peuple attend d’être associé à la gestion de la chose publique ».
On croirait rêver, quand on sait qu’en 1990, Mobutu et son plus grand rival criaient sur tous les toits que l’homme congolais avait dépassé le stade de la conscience tribale. On croirait rêver, quand on sait que Kin-Kiey Mulumba s’est déjà engagé dans la dynamique de la démocratie partisane et conflictuelle.
On croirait rêver, quand on sait qu’en 1990, Mobutu et son plus grand rival criaient sur tous les toits que l’homme congolais avait dépassé le stade de la conscience tribale. On croirait rêver, quand on sait que Kin-Kiey Mulumba s’est déjà engagé dans la dynamique de la démocratie partisane et conflictuelle.
Député indépendant à la suite des élections de 2006, il a depuis lors crée un parti politique, l’un de ces partis dont l’influence ne dépasse guère la sphère familiale ou clanique, le Parti de l’Action (PA). Par ailleurs, comme l’immense majorité des Congolais, les Mbala sont libres d’adhérer au parti de leur choix.
A cet égard, seul un fou peut se permettre d’adresser une lettre de revendication politique à quiconque en leur nom. Kin-Kiey Mulumba serait-il atteint par la démence pour autant ? Non. Il veut se servir de sa tribu comme d’un tremplin pour se retrouver au festin du pouvoir national.
Cela signifie que dans le cadre de la démocratie des singes en vigueur au Congo, l’accès au pouvoir attend d’être civilisé, chacun recourant au moyen qu’il juge efficace. Là où Kin-Kiey Mulumba cherche à se servir de la tribu, d’autres exploiteraient leurs relations privilégiées avec des membres de la famille biologique du roi du jour ou des membres influents du premier cercle de son pouvoir.
D’autres encore iraient chercher des tremplins dans les chancelleries ou capitales occidentales. Pendant qu’on nous rabat les oreilles que le peuple est souverain, une petite minorité trouverait son salut dans les institutions de Bretton Woods.
La manipulation de la tribu par Kin-Kiey Mulumba présente l’avantage de souligner les errements des intellectuels africains dès qu’il s’agit de démocratie. Tout au long de l’interminable règne de Mobutu, l’intellectuel congolais avait tendance à expliquer le favoritisme ethnico-régional de ce dernier de manière fort simpliste : Mobutu n’est pas un nationaliste. Et on se mettait aussitôt à regretter la mort du héros national. Pourtant, nous enseigne Jean-Claude Willame dans son article
La manipulation de la tribu par Kin-Kiey Mulumba présente l’avantage de souligner les errements des intellectuels africains dès qu’il s’agit de démocratie. Tout au long de l’interminable règne de Mobutu, l’intellectuel congolais avait tendance à expliquer le favoritisme ethnico-régional de ce dernier de manière fort simpliste : Mobutu n’est pas un nationaliste. Et on se mettait aussitôt à regretter la mort du héros national. Pourtant, nous enseigne Jean-Claude Willame dans son article
«L’exportation de la démocratie : enjeu et illusions», «en 1960, le cabinet de l’unitariste Patrice Lumumba était tout autant sinon davantage encombré de gens de son village venus quémander qui une place, qui de l’argent, que pour ses [soit disant] conseillers communistes qui se frayaient difficilement un passage dans une cohue que l’une des épouses du premier ministre tentait de régenter».
Il est clair que s’il était resté au pouvoir pendant autant d’années que Mobutu, le «symbole de l’unité nationale et de l’amour patriotique» (dixit l’ancien Premier ministre Mulumba Lukoji) n’allait pas passer son temps à dire à ses frères :
«Dégagez ! Je suis un nationaliste moi». Il aurait eu besoin d’eux pour asseoir son pouvoir dans le cadre institutionnel inadapté qui prévaut dans les pays africains.
Il serait erroné de ne voir dans la manipulation de la conscience ethnico-régionale qu’une illustration de l’irresponsabilité intrinsèque des chefs d’Etat africains. Ce phénomène n’est pas simplement l’expression d’un régime politique particulier ou de la personnalité singulière d’un chef d’Etat.
Il serait erroné de ne voir dans la manipulation de la conscience ethnico-régionale qu’une illustration de l’irresponsabilité intrinsèque des chefs d’Etat africains. Ce phénomène n’est pas simplement l’expression d’un régime politique particulier ou de la personnalité singulière d’un chef d’Etat.
C’est d’abord une tentative de réponse, hélas infructueuse, au problème posé par l’inadéquation du modèle étatique occidental dans des sociétés où la prédominance du phénomène ethnique reste remarquable. Dans l’esprit de l’immense majorité des Africains, l’Etat reste encore une abstraction.
Si on est citoyen, c’est avant tout de son groupe ethnique ou sociétal. D’où la difficulté, et non l’impossibilité, pour les détenteurs du pouvoir, de se voir créditer du soutien de tous leurs compatriotes dans les cadres institutionnels actuels.
D’où l’importance de la tribu ou du groupe sociétal pour se maintenir au pouvoir. D’où le caractère hybride des Etats africains, où se côtoient un Etat formel, celui des textes et discours officiels (copiés sur l’Occident), et un Etat informel, celui des non-dits ou des pratiques réelles du pouvoir. Une réalité suggérée dans l’expression « L’Afrique du jour et de la nuit ».
Est-ce une fatalité ?
Pour mettre un terme à ce dysfonctionnement et permettre enfin à l’Etat de jouer son rôle, pour que plus personne ne manipule son appartenance ethnique et/ou régionale à des fins personnelles, il faut tout simplement intégrer le particularisme basé sur l’ethnicité et/ou la régionalité dans l’agenda public. Ce n’est pas sorcier !
Pour mettre un terme à ce dysfonctionnement et permettre enfin à l’Etat de jouer son rôle, pour que plus personne ne manipule son appartenance ethnique et/ou régionale à des fins personnelles, il faut tout simplement intégrer le particularisme basé sur l’ethnicité et/ou la régionalité dans l’agenda public. Ce n’est pas sorcier !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire