dimanche 22 avril 2012

Amnesty International se mobilise pour obtenir l’arrestation de Bosco Ntaganda


Cela fait près de six ans que la Cour pénale internationale (CPI) a émis un mandat d’arrêt contre Bosco Ntaganda, pour avoir recruté et enrôlé des mineurs de moins de 15 ans afin de les faire participer aux affrontements de 2002/2003 dans la province de l’Ituri (République démocratique du Congo).

Ces charges sont en lien avec son rôle de commandant du groupe armé des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) pour ce qui concerne le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats, et devraient être élargies afin d’inclure des meurtres et des viols constituant des crimes contre l’humanité.

Comme Joseph Kony, le dirigeant de l’Armée de résistance du seigneur (LRA), que la campagne Kony 2012 a projeté de manière spectaculaire sur le devant de la scène, Bosco Ntaganda est toujours en liberté.

Vivant semble-t-il sans se cacher dans la ville de Goma, il est désormais général au sein de l’armée nationale, après son intégration aux forces armées de la RDC en compagnie d’un groupe armé qu’il a fondé – le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Il est connu dans le pays sous le surnom de « Terminator ».

Il a été expliqué, pour justifier son intégration – qui signifie pour l’instant qu’il est à l’abri de la justice –, que c’est là le prix de la paix. Mais il ne saurait y avoir de paix sans justice.

En outre, protéger une personne recherchée par la CPI est une violation claire des obligations faites à la RDC en sa qualité d’État partie au Statut de Rome de la CPI, aux termes duquel ce pays s’est engagé à coopérer pleinement avec la CPI en exécutant ses mandats d’arrêt et en lui remettant des suspects pour que ceux-ci soient jugés.

Et ce n’est pas comme si Bosco Ntaganda avait tranquillement abandonné son ancienne vie. Depuis son bastion de Goma, dans l’est de la RDC, des soldats placés sous son commandement continuent à être impliqués dans de nombreuses violations des droits humains, même après que la CPI ait délivré son mandat d’arrêt.

Des membres du CNDP se seraient rendus coupables d’exécutions extrajudiciaires, de violences sexuelles, d’actes de torture et de recrutement d’enfants soldats dans le district de l’Ituri (nord-est de la RDC) et dans la province du Nord-Kivu.

Un des pires crimes a été commis en novembre 2008, lorsque le CNDP a tué au moins 150 civils à Kiwanja (territoire de Rutshuru, Nord-Kivu).

Il est toutefois possible que la terre commence à se dérober sous les pieds de Bosco Ntaganda.
Des informations récentes en provenance de l’est du Congo donnent à penser que la volonté politique requise pour que Bosco Ntaganda soit traduit en justice pourrait enfin se matérialiser.

Certains médias affirment que des centaines de soldats congolais, connus pour leur loyauté à Bosco Ntaganda, ont fait défection.

La semaine dernière, le président Kabila a déclaré : « [O]n n’a pas besoin d’arrêter et de transférer Bosco à la CPI. Nous pouvons nous-mêmes l’arrêter car nous avons plus de cent raisons de l’arrêter et de le juger ici ou à Kinshasa. Ce ne sont pas les raisons qui nous manquent. »

Arrêter Bosco Ntaganda, puissant commandant de l’armée, ne sera pas facile. Beaucoup craignent que la moindre tentative visant à appréhender cet homme et à le relever de ses fonctions n’expose des civils au danger. La force de maintien de la paix des Nations unies en RDC, la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), doit jouer un rôle en favorisant sa capture et en veillant à ce que les civils ne soient pas mis en danger.

Et si les paroles du président Kabila sont positives à certains égards, la RDC risque de bafouer son obligation de coopérer avec la CPI si Bosco Ntaganda est appréhendé mais n’est pas remis à la CPI.

Aux termes du Statut de Rome, Bosco Ntaganda pourrait uniquement passer en jugement dans son pays si la RDC arrivait à démontrer aux juges de la CPI que ses tribunaux sont véritablement disposés et aptes à engager des poursuites pour les crimes dont il est accusé.

Amnesty International a constaté qu’après des décennies de négligence, de corruption et d’ingérence politique en RDC, la justice nationale n’est pas digne de confiance et n’est pas non plus en mesure de lutter contre les crimes les plus graves.

Dans un rapport de 2011, intitulé Il est temps que justice soit rendue. La République démocratique du Congo a besoin d’une nouvelle stratégie en matière de justice, l’organisation a expliqué que la justice congolaise n’était pas capable de protéger les témoins et les victimes, de faire appliquer ses propres décisions ou même de garder des prisonniers reconnus coupables derrière les barreaux.

Actuellement, les tribunaux militaires sont les seules juridictions compétentes dans les affaires de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre – y compris dans les cas où l’accusé est un civil.

Le système de justice militaire n’est pas en mesure de le poursuivre ni même de l’arrêter, en raison du manque de soutien du gouvernement congolais et de menaces et d’actes d’intimidation incessants.

Faire juger Bosco Ntaganda en RDC pour des crimes non spécifiés, par un tribunal militaire susceptible d’appliquer la peine de mort, tout en ignorant le mandat émis par la CPI, serait une violation flagrante des obligations internationales de la RDC.

Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans exception à la peine capitale, car il s’agit d’une violation du droit à la vie et du droit de ne pas être soumis à un châtiment cruel, inhumain et dégradant.

Amnesty International demande au gouvernement de la RDC d’arrêter Bosco Ntaganda et de le remettre à la CPI afin qu’il puisse être jugé sans plus de délai.

Il est temps que justice soit rendue

Depuis sa création, il y a dix ans, en 2002, la CPI a délivré des mandats d’arrêt contre 17 personnes. Cependant, à ce jour, seuls sept de ces suspects ont été transférés à la Haye. Ceux qui sont toujours en liberté continuent à bénéficier de l’impunité, tandis que les victimes des crimes dont ils sont accusés continuent à souffrir, sans pouvoir obtenir justice ni réparations.

C’est l’une des principales difficultés auxquelles le nouveau système de justice internationale est confronté.
Les raisons pour lesquelles les suspects ne sont pas arrêtés sont spécifiques à chaque situation.
  • Joseph Kony et trois autres dirigeants de l’Armée de résistance du Seigneur se cachent dans des zones isolées en République centrafricaine, en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud. Beaucoup considèrent que l’un d’eux – Vincent Otti – est mort.
  • Omar el Béchir, le président soudanais, conserve les rênes du pays et protège trois autres responsables gouvernementaux accusés par la CPI de crimes commis au Darfour. Il est dérangeant de constater qu’il se rend dans de nombreux pays, qui refusent de l’arrêter.
  • Saif al Islam Kadhafi a été capturé en Libye mais le nouveau gouvernement refuse de le remettre à la CPI, insistant pour qu’il soit déféré devant une justice nationale en ruines qui n’est pas en mesure de respecter les normes internationales. Abdullah al Senussi a récemment été arrêté en Mauritanie. Cependant, au lieu de le remettre à la CPI, le gouvernement mauritanien a annoncé qu’il allait l’extrader vers la Libye.
Le regain d’intérêt au niveau mondial concernant les personnes recherchées par la CPI donne toutefois l’espoir d’un changement.
  • La campagne Kony 2012 a contribué à une meilleure sensibilisation du public à propos des violations persistantes commises par la LRA. Les efforts déployés à l’échelon international en vue de les arrêter se sont par ailleurs intensifiés.
  • Le président el Béchir doit de plus en plus souvent revoir ses itinéraires et risque d’être appréhendé à chaque fois qu’il sort du Soudan. Il sera véritablement possible de déterminer si le vent a tourné selon que le gouvernement du Malawi, qui avait été fortement critiqué pour l’avoir accueilli en 2011, l’autorise ou non à participer au Sommet de l’Union africaine devant se dérouler en juin.
  • L’arrestation de Mohammed al Senussi, ancien chef des services de renseignements libyens, lors de sa tentative de fuite en Mauritanie, fut le signe que certains États ne sont plus disposés à offrir un refuge aux personnes recherchées par la justice internationale. Les pressions visant à inciter les autorités libyennes à remettre Saif al Islam Kadhafi à la CPI se font plus fortes depuis la décision récente de la Cour insistant sur la nécessité de leur coopération.
  • Soumis à des pressions de plus en plus intenses, à l’échelon international comme national, du fait de la condamnation par la CPI de son supérieur d’alors, Thomas Lubanga Dyilo, au mois de mars, le président Kabila a indiqué qu’il était possible que Bosco Ntaganda soit arrêté. Il a cependant précisé qu’il ne le remettrait pas à la CPI mais essaierait de faire en sorte qu’il soit poursuivi en RDC.
Les actions publiques en faveur de l’arrestation de suspects recherchés par la CPI et de leur transfert à la Cour jouent un rôle majeur, en pesant sur les gouvernements afin qu’ils fassent le nécessaire pour que ces fugitifs soient traduits en justice. Avec sa Campagne pour la justice internationale, Amnesty International s’est engagée à travailler avec ses membres dans le monde entier afin de mettre ces cas en avant.
Une action mondiale pour mettre fin à l’impunité

L’intérêt nouveau du public au sujet des suspects recherchés par la CPI aide à faire pression sur la communauté internationale et à l’inciter ainsi à prendre des mesures plus efficaces pour garantir que les personnes inculpées de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre ne puissent se soustraire à la justice.

Le fait que les auteurs d’atteintes aussi graves aux droits humains n’aient pas eu à répondre de leurs actes a des conséquences pernicieuses et profondes. Cela compromet les efforts visant à instaurer l’état de droit et porte atteinte à la crédibilité du système de justice aux yeux du monde. Le plus grave, sans doute, c’est que l’impunité prolonge la souffrance des nombreuses victimes en les privant d’un accès à la justice, à la vérité et à des réparations complètes.

Chacun d’entre nous peut aider à arrêter Bosco Ntaganda et les autres suspects recherchés par la CPI. Pour l’heure, nous vous encourageons à prendre part à l’action d’Amnesty International permettant d’indiquer au secrétaire général des Nations unies que vous souhaitez voir les Nations unies jouer un rôle actif dans l’arrestation de ces suspects, en particulier par le biais du renforcement de ses missions de maintien de la paix.

Vous pouvez suivre les actions et évolutions futures sur les pages Facebook et Twitter de la campagne d’Amnesty International pour la justice internationale.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire