vendredi 14 mars 2014

RWANDA-AFRIQUE DU SUD Kagame fonce droit dans le mur

Vendredi 14 mars 2014

L'Afrique du Sud a expulsé le 7 mars des diplomates rwandais pour espionnage. Le Rwanda a répliqué de la même façon. La traque des opposants rwandais, réfugié au pays de Mandela, est le nœud du conflit. Kagame les poursuit dans ce pays, au risque d'une rupture.

 
Un membre du Congrès national du Rwanda (RNC, opposition) lors d'une manifestation à Pretoria en Afrique du Sud, brandit des affiches représentant le président Paul Kagame comme un nazi, un criminel de guerre à poursuivre -AFP/Alexander Joe

A quoi aboutira cette levée de boucliers sud-africaine et américaine face aux attaques répétées de Kigali contre les dissidents du régime du président Paul Kagame ? 

Déjà en début d’année, l’assassinat, en Afrique du Sud, de l’opposant Patrick Karegeya, ancien chef des renseignements rwandais, avait été condamné par le pays de l’Oncle Sam et par celui de Nelson Mandela. 

Cette affaire n’est même pas encore clairement élucidée qu’une autre vient troubler les relations, déjà orageuses, entre Kigali et Pretoria. 

A l’origine de cette guerre des nerfs entre les deux capitales : l’attaque menée contre la résidence du général rwandais Kayumba Nyamwasa, ancien chef d’état-major, le 4 mars. 

Les choses se corsent, car, dans la foulée, Pretoria a expulsé trois diplomates rwandais pour espionnage.

Du côté de Kigali, la mesure de réciprocité ne s’est pas fait attendre : six membres de la représentation sud-africaine y ont été expulsés. Là aussi pour espionnage. 

Plus loin, Washington a haussé le ton contre Kigali en condamnant l’attaque du domicile du général Nyamwasa et en félicitant le gouvernement sud-africain pour l’enquête menée, non seulement sur cet incident mais aussi sur l’assassinat en Afrique du Sud de Karegeya [ancien chef des renseignements extérieurs retrouvé assassiné dans un hôtel de Johannesburg le 1er janvier 2014].

Suspension de l’aide militaire américaine

Dans sa traque obsessionnelle contre les opposants à Paul Kagame, le Rwanda rappelle, à bien des égards, l'attitude d'Israël : inflexible, impitoyable. 

En effet, sous la conduite du Mossad, les services de renseignements de l’Etat hébreu, Tel-Aviv s’est lancé dans une chasse implacable contre les nazis commanditaires ou exécutants de la Shoah à l’origine de l’extermination de 6 millions de Juifs. 

Menée avec patience et sans répit, l’opération a permis l’arrestation ou l’élimination pure et simple d’un grand nombre de bourreaux, même une cinquantaine d’années après les faits. 

Si, pour des raisons de justice et de soif légitime de vengeance, Israël a bénéficié de l’accord tacite – voire de la collaboration des grandes nations –, le Rwanda, lui, est pointé du doigt car poussé par des politiques visant à réduire au silence des personnes gênantes pour le pouvoir.

Le président Paul Kagame ne fait qu’aggraver son cas car son implication dans le conflit au Nord-Kivu [l'ONU l'accuse de soutenir la rébellion] a déjà valu à son pays la suspension de l’aide militaire américaine. 

Dans les faits, rarement les Etats-Unis auront donc été aussi fermes avec un pays réputé être son protégé. Après cette sanction, Kagame n’a rien voulu entendre de ce coup de semonce contre son impérialisme militaire. 

A l’image du roseau qui se plie mais ne se rompt jamais, l’homme fort de Kigali est sans concession sur l’anathème lancé contre ses adversaires : "Quiconque trahit notre cause deviendra victime".

Kagame se croit tout permis

Désormais pris entre les feux nourris du gendarme de l’Afrique [l'Afrique du Sud] et du gendarme du monde [Etats-unis], l’ex-patron du Front patriotique de libération (FPR) va-t-il reculer ? Aussi faut-il espérer pour lui qu’il ne présume pas trop de ses forces au risque de foncer droit dans le mur.

Cela dit, s’il y a bien quelqu’un qui est dans une certaine mesure responsable de l’autisme dans lequel s’est drapé le président Kagame, c’est bien les Américains qui, pendant longtemps, l’ont littéralement couvé de sorte qu’il a fini par se croire tout permis. 

Tout se passe comme si après le génocide de 1994 le Rwanda bénéficiait de la souveraine indulgence de Washington. 

Mais Kagame ferait bien de se rappeler la morale du mythe d’Icare : "A trop vouloir voler près du Soleil, on s’en brûle les ailes". Ou : à vouloir trop défier l’aigle américain, on finit par recevoir des coups de serre.
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L'Observateur Paalga
Hyacinthe Sanou

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