mercredi 9 juillet 2014

Affaires foncières : Robert Mbuinga avoue son impuissance


Robert Mbuinga Bila, ministre des Affaires foncières

Impuissant face ce que d’aucuns nomment désormais la "maffia du cadastre", le ministre congolais des Affaires foncières, le PPRD Robert Mbuinga, exhorte la "population" tant à Kinshasa qu’aux quatre coins du pays à l’épauler dans ce qu’il appelle "le processus d’éradication du désordre foncier". 

Les Kinois et les habitants de l’arrière-pays doivent "dénoncer" l’érection des "constructions anarchiques". Ce membre du gouvernement s’attaque ainsi aux effets en contournant la cause.

Une cause qui est à rechercher d’abord au sein de son ministère.

"Robert Mbuinga s’en va-t-en guerre contre le désordre foncier à Kinshasa". C’est le titre pompeux d’une dépêche de l’Agence congolaise de presse datée du lundi 7 juillet. 

On cherche en vain, dans le corps de ce "papier", les "armes", mieux, la politique foncière que ce membre du gouvernement entend conduire au niveau national afin d’éradiquer le "banditisme" - le mot n’est pas trop fort - qui a élu domicile dans ce secteur névralgique touchant à la propriété immobilière. 

Que constate-t-on? Des géomètres et des conservateurs des titres immobiliers ont mis en place une véritable "association de malfaiteurs" pour spolier des paisibles citoyens, sans défense. Des magistrats, des militaires et des policiers servent de complices.

C’est au cours d’un entretien avec un journaliste de l’ACP que le ministre Mbuiga a lancé sa "déclaration de guerre". Il a commencé par rappeler une évidence. 

A savoir que "l’Etat congolais constitue la seule autorité chargée de déterminer les espaces de terres pour diverses exploitations (...)". 

A la tête de ce ministère depuis le 28 avril 2012, Mbuinga a révélé que ses services étaient occupés à élaborer "un plan d’aménagement de la ville de Kinshasa, au standard moderne, précisant les endroits réservés aux différents types d’exploitation de terres". 

Un tel plan n’a-t-il jamais existé? 

Ce n’est pas tout. Il a annoncé "la destruction" dans les prochains jours "des constructions anarchiques érigées le long des voies publiques". 

Il en est de même des "habitations construites sur des espaces non lotis et acquis frauduleusement et dans des zones interdites notamment les alentours de l’aéroport international de Ndjili, dans la commune de N’sele".

Gouverner, consiste essentiellement à résoudre des problèmes inhérents à la vie collective. 

Le ministre Mbuinga ne se trompe-t-il pas de priorités? 

On notera qu’il ne dit pas un mot sur la part de responsabilité des fonctionnaires de l’administration de son département dans ce désordre. Cela voudrait-il dire que tout va bien? Erreur.

Ce secteur a besoin des réformes internes voire d’un coup de balai au niveau de ses ressources humaines. 

Il s’agit de séparer le bon grain de l’ivraie. Sans verser dans la généralisation, des fonctionnaires de ce département se comportent tels des voyous en spoliant "la veuve et l’orphelin". Le problème est devenu un "mal national". Il faudrait un véritable audit. Ci-après, quelques faits.

En mai 2010, le prédécesseur de Mbuinga, en l’occurrence Maj Kisimba Ngoy, avait relevé de leurs fonctions le conservateur des titres fonciers de la ville de Likasi et le chef de division du cadastre à Kolwezi. Motif : "manquement grave". 

Derrière ce terme sibyllin se dissimulait notamment des cas de spoliation des biens immobiliers appartenant à l’Etat ainsi qu’à des paisibles citoyens.

A l’époque, le ministre Maj Kisimba Ngoy avait annoncé bruyamment sa volonté d’"assainir" le secteur foncier. Rien n’a été fait. L’Etat a baissé les bras face à une organisation maffieuse animée par des agents publics. Une sorte de pieuvre dont les tentacules s’étendent aux institutions censées protéger la propriété privée qualifiée de "sacrée" aux termes de l’article 34 de la Constitution.

A Kinshasa, on les appelle les "rats du cadastre". Il s’agit des fonctionnaires du ministère des Affaires foncières. 

Pour nouer les deux bouts du mois, ces fonctionnaires mal payés - à l’instar des autres agents de l’Etat - consacrent l’essentiel de leur temps à fouiller les archives de ce département. 

Objectif : débusquer les titres de propriété entachés de «lacunes» au plan légal. Des titres qu’ils peuvent ainsi faire falsifier avec le concours intéressé des conservateurs des titres fonciers.

Congo Indépendant avait évoqué le cas de la famille Mbuze qui est propriétaire d’une maison à Bandalungwa. 

Celle-ci a été achetée lors d’une vente publique organisée par...le parquet général de la République. Par réquisition n° 3945/023/11.160/PGR/SEC/2006 du 27 novembre 2006, le Procureur général de la République (PGR) d’alors, Tshimanga Mukeba, s’était cru en droit d’enjoindre à l’inspecteur général de la Police judiciaire des Parquets de procéder à la restitution dudit bien immobilier à la succession d’un ancien homme politique, aujourd’hui décédé. Copie de cette réquisition a été adressée notamment au conservateur des titres immobiliers de la circonscription de la Funa, Michel Tudu Zingo te Lando. Le conservateur s’est empressé, sans jugement émanant d’un tribunal, d’exécuter les quatre volontés du PGR en délivrant un certificat d’enregistrement n°VOL AF 66 Folio 191 daté du 16 décembre 2006. La succession s’empressa de vendre ladite maison. Le nouvel acquéreur se précita à son tour à se faire délivrer un nouveau certificat d’enregistrement n°AF 67 folio 05 daté 5 février 2007. Le tour est joué. Par une nouvelle réquisition n°680/D.023/11.160/PGR/MUNT/2007 datée 6 mars 2007, le même PGR transmettait à l’inspecteur général de la Police judiciaire des Parquets une nouvelle injonction annulant la première. Une copie est réservée au conservateur précité. C’est tout simplement criminel!

Dans son édition datée du 6 septembre 2010, le quotidien bruxellois «La Dernière Heure/Les Sports», évoque le cas du Belge Ernest Lassman qui dénonce la tentative d’une certaine Zola Kiambote Marie, domiciliée au n°217, avenue des Pêcheries dans la commune de Matadi, province du Bas-Congo, de s’approprier leur maison familiale située au n°68 de l’avenue colonel Ebeya dans la commune de la Gombe à Kinshasa. Et ce, en vertu d’un faux acte de vente et un faux acte notarié.

Le certificat d’enregistrement qui tient lieu de titre de propriété immobilière n’a plus aucune valeur au Congo démocratique. Sans titre ni droit, un quidam ayant le bras long peut vous déposséder de votre habitation. 

Là où le bat blesse est que les violences infligées à ce droit sont imputables à des fonctionnaires de l’administration publique au sens le plus large. Le mal est profond.

Il va sans dire que la destruction annoncée, par le ministre Mbuinga, des "constructions anarchiques" ne suffira pas à éradiquer le "poto poto" qui règne dans ce secteur. 

En réalité, le ver est dans le fruit. 

Dans la mesure où, certains propriétaires de ces bâtisses à démolir détiendraient des "autorisations de bâtir" en bonne et due forme délivrées par des "agents compétents" du ministère des Affaires foncières. 

Un ministère qui devrait d’abord commencer par balayer devant sa porte. Agir autrement, revient à faire de la "communication" à moindre frais... 
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B.A.W
© Congoindépendant

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